dimanche 8 juillet 2012

Kiyoko - Sea Of Trees


Date de sortie : 18 juin 2012 | Label : Auxiliary

Ne fuyez pas tout de suite à la vue de cet artwork délicatement pastoral. Les cerisiers du Japon certes, ne poussent pas dans les caves. Mais ce serait sans compter le potentiel neurasthénique de la musique de Kiyoko, entité qui unit Joe McBride et Jack Lever. Le premier est plus connu sous le pseudonyme de Synkro derrière lequel il officie comme producteur de 2 step / UK garage, avec un penchant pour l'hypnotique et l'aérien. Du second, qui se fait appeler Bering Strait, on ne sait pas grand chose. Synkro collaborait récemment avec ASC, et c'est sur son label, Auxiliary, que James Clements  accueille Sea Of Trees. Une sortie qui tranche avec le catalogue de la maison comme avec les habituelles productions du Mancunien.

Le duo s'est attelé à son matériel analogique et a troqué la bruine britannique contre un couvercle limpide. L'environnement ici composé s'établit hors de toute civilisation ou réalité. Kiyoko fait de la nature, la nostalgie et la quiétude les objet centraux de l'album. Minimaliste et élégante, cette plage downtempo se déroule au gré discret des samples vieillots, des craquements et des murmures de guitare. Les bribes évoquent des arrondissements tokyoïtes et le spectre des shamisens traditionnels ne quitte pas les échos de cordes pincées qui pointent à l'occasion. On aura compris l'influence principale. Si cette entière errance sonne épurée, le travail du beat compte parmi ce qu'il y a de plus attrayant dans ce disque. Aéré, lentement gondolé, fait de percussions concrètes ou de fines dislocations, le squelette évanescent des rythmes souligne l'ensemble sans dominer. 

Alors que les ondes synthétiques et planantes guident l'oreille au sein d'espaces en clair-obscur, on ne peut s'empêcher de se rappeler que l'aura nippone de ces rêveries demeure le fruit des bidouillages éclairés de deux jeunes types du North West anglais. Esbroufe ? Justement pas. L'humanité et la poésie qui exhalent des languides divagations du duo ont tout à voir avec le caractère complètement fantasmé de leur musique. Tout deux n'auraient pas forcément dépeint avec tant de netteté ce climat de mélancolie vive et de piqures de spleen s'il en avait été autrement. Sea Of Trees n'est ni sombre ni lumineux, il investit seulement le crépuscule et parvient à capter cet instant où les corps s'animent d'une sorte de légèreté maussade.

Les sons qui charpentent cet album n'ont pas vocation à révolutionner le genre, ils semblent simplement sortis de nulle part. Long d'une courte trentaine de minutes, Sea Of Trees maintient l'idée fugace du sentiment qu'il dégage jusque dans son format. Une discrète progression se fait sentir sur les premiers titres. First Light ouvre sur de l'ambient filé de touches acoustiques tandis qu'Open fait naître au coeur de rayons affleurant un beat aussi discret qu'un insecte. Un point fort du disque s'inscrit sans doute possible dans l'élégiaque Shinagawa, à la rythmique plus marquée et au charme tourbillonnant et feutré. Une vraie trace de noirceur intervient avec Rainfall, au court duquel l'atmosphère s'est sensiblement assombrie. Un grondement de basse, la modulation d'un écho perdu amène une charge dramatique nouvelle. La douceur a tôt fait de renaître au creux du flottant Dulcimer. Entre balbutiements de cordes et percussions tristes, Sea Of Trees s'éteint dans un souffle.

On pourrait finir en évoquant sa dimension introspective, l'humilité qui perle de chacun des titres, la capacité de Kiyoko à dessiner un monde irréel et pur. Ou simplement conclure sur le fait que Sea Of Trees est un très bel album.

 Manolito

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