jeudi 27 septembre 2012

ULNA - Ligment


Date de sortie : 31 août 2012 | Label : Karlrecords

Le duo italien ULNA, composé de Valerio Zucca Paul (Abstract G, 3EEM) et Andrea Ferraris (Airchamber, Ur, Luminance Ratio) revient quatre ans après Frcture, leur dense et brillant premier album. Depuis celui-ci, les deux se sont affiliés pour ce projet à Karlrecords. Alors que 2012 a vu se succéder Lucen d'afaOne et l'anxiogène The Sum Of Disappearing Sounds de Cezary Gapik, en sortant Ligment, le label hambourgeois poursuit un parcours annuel sans fautes mais avec de grandes claques. Que l'autre roux se retourne dans son tank si l'on présume que l'IDM se meurt, pendant ce temps, ULNA se régale de son cadavre et fait de ses ossements un festin.

Métallique, fragmenté mais émouvant, Ligment ne cesse d'interroger le clivage entre le sensible et le déshumanisé, l'apport substantiel des instruments et l'inflexible saccage du glitch. Si au sein du duo, Ferraris se charge de l'instrumental, le travail synthétique revenant à son compère, plusieurs invités apportent une certaine humanité à l'édifice, notamment Barbara De Dominicis (Cabaret Noir), qui pose sa voix - ou du moins de troublantes bribes - sur Chrnc Sleep Db et sur le lancinant Gze, et Mark Beazley (Rothko, Strings Of Consciousness) qui, à deux reprises, intervient à la basse. L'équilibre demeure toujours en jeu, et ULNA contourne, sautille d'un décor à l'autre sans que nous autres pauvres mortels n'y comprenions rien. La cohérence est totale mais de titre en titre, le corps dominant se renouvèle, passant par la frénésie, la flottaison, la poésie. Les nuances s'effacent et renaissent. Ligment est de ces albums qui déclenchent des remous dans la poitrine, qui cognent et doucement déchirent.

La qualité des enchevêtrements et la spatialisation du son laissent aisément pantois. Tandis que le fond gronde de ténèbres et que les brumes d'ambient se dilatent, le devant devient le terrain de course d'innombrables mécanismes. Cliquetis, bourdonnements et brisures se rencontrent comme au sein de la jonction d'une autoroute stellaire. Il serait hérétique de tenter de réduire ce disque à un genre défini. Les contours post-industriels enveloppent drones et broken beats d'une même brassée, les trames électro-acoustiques piquent des sursauts technoïdes et les auteurs citent la musique concrète de Schaeffer et l'hantologie comme références. Si ULNA s'avère un mélange de tout cela, les Italiens savent établir une distance de rigueur avec leur influences. C'est en cela que Ligment peut faire date, il évite la redite et, de près, ne ressemble à rien d'existant.

Au plan de la liaison avec leur premier essai, point de volte-face. L'album s'inscrit dans la lignée de Frcture, offre un développement étoffé et plus qu'à la hauteur. L'ostéologie comme thématique également persiste. Je me permets de revenir sur l'apport de la basse de Mark Beazley. Les deux titres sur lesquels il opère, Pgava et Nhndred, comptent parmi ce qu'il y a de plus beau dans tout ça. Et il n'y a pas de hasard. Le premier s'avère l'illustration première de l'idée d'humain derrière la machine qui plane sur ce disque. C'en est la pièce la plus apaisée, toute en courbes et en pulsations éperdues. Le second termine l'album. Des décharges noise dessinent une rythmique soutenue, le ton est vicieusement progressif, à un point que l'on s'étonne à quatre minutes d'avoir le coeur serré. Tout le long, la basse de Beazley plane, alourdit l'espace, et à elle seule transcende le ressac tortueux et gris qui git sous elle. On pourra citer d'autre part le fulgurant Prmary Schl, Lnce Wrner, Mssv et le sus-cité Gze, même si nul fragment ne se révèle en deçà de la rougeoyante beauté de l'ensemble.

Cette musique-là se prête mal à la mise en mots - cela fait néanmoins quatre paragraphes que je m'y évertue, me diriez-vous. S'immerger dans cet album, voilà la seule recommandation. Ah, et ne pas lâcher des yeux Karlrecords également, et prier pour qu'ULNA ne mette pas quatre ans avant le prochain.

Manolito

1 commentaire:

  1. Suite à cette chronique,je commande les yeux fermés. Karlrecords va finir dans mes labels favoris. Le Cezary Gapik (découvert ici), dans un tout autre registre, est déjà pour moi un album majeur de 2012. J' attends celui-ci avec impatiente.

    Merci pour la découverte

    RépondreSupprimer