dimanche 14 juillet 2013

Dans les rayonnages de la cave : notre discothèque idéale, 1/5

Nous reviendrons sur ce centième article régulièrement parce que nous voulons marquer le coup et dans le même temps, continuer à alimenter le flot chaotique des chroniques. Une liste de 100 disques qui débute maintenant, échelonnée en cinq parties. 100 disques tout rond. 100 disques qui nous ont marqués, sombres ou particulièrement tarabiscotés, tranquilles ou enragés, du siècle dernier ou de celui-ci, de n'importe quel genre, n'importe quel style. 33 disques par rédacteurs et 1 en commun. Par ordre alphabétique parce que tous se valent, ont été importants à moment donné ou le sont encore... Une fenêtre ouverte sur l'ADN de ce blog qui aime prendre son temps parce qu'il aime toutes les musiques et aimerait en parler bien.

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- A Silver Mt. Zion - Born Into Trouble As The Sparks Fly Upward (2001)

Parmi les chefs-d’œuvre de la bande d’Efrim Menuck, le deuxième A Silver Mt. Zion s’affirme comme un disque fulgurant de désespoir, de sublime et de lancinance. Du post-rock en cascade aux complaintes au violon d’une splendeur inégalée (Could’ve Moved Mountains…), Born Into Trouble… est un diamant déchiqueté qui fait pleurer à torrent. (M)



- Ab Ovo - Mouvements (2007)

Nécessaire était l’étape par la discographie d’un des duos les plus marquants de l’histoire de la musique électronique industrielle. Trames indus anxiogènes, décors parfois veloutés, souvent apocalyptiques, toujours ultra texturés, les ingrédients du sixième album de Régis Baillet et Jérôme Chassagnard en font un indispensable. (M)




- Abstrackt Keal Agram - Cluster Ville (2003)

Grand oublié du label Gooom qui vit débuter Cyann & Ben ou M83, AKA fut l'un des meilleurs groupes de scène à télescoper guitares rageuses et beats électroniques devant des publics malheureusement clairsemés. Entre 2001 et 2004, le duo morlaisien - futurs Tepr et My Dog Is Gay aux carrières solo plus erratiques - aura pourtant livré une triplette d'albums sans égal dans nos contrées, culminant sur l'abstract crépusculaire et virtuose de ce Cluster Ville marqué par l'atmosphère de fin de monde des scores de Carpenter, le hip-hop malsain de Def Jux et les rêveries distordues de BoC circa Geogaddi. A redécouvrir d'urgence. (R)



- Access To Arasaka - Oppidan (2009)

Malgré les coups d’éclat renouvelés que furent void(); et Geosynchron, le premier album de Robert Lioy conserve le plus puissant magnétisme. Beauté cyberpunk éclaboussée d’émotions brutes, Oppidan fait l’effet d’une décharge d’IDM cryptée à l’aura charbonneuse. A redécouvrir sans cesse. (M)





 - ANBB - Mimikry (2010)

OVNI magnifique qui allia le temps d’un disque les deux monuments que sont Alva Noto et Blixa Bargeld. Mimikry sonne comme un magma suffocant de signaux et d’incantations, percé d’instants confondants de douceur comme de saccades terrifiantes. Très grand. (M)




- Aphex Twin - Drukqs (2001)


Réunis de manière hâtive et aléatoire pour cause de mp3 égaré dans un avion japonais, les 30 morceaux qui constituent Drukqs s’enchaînent de manière aussi décousue qu'envoûtante. Parce qu’il contient ses plus immenses tueries, et qu’il est un phénomène, un colosse, un classique à lui tout seul, Drukqs symbolise le bout d’Aphex Twin qu'ici l'on retient. (M)



- Arms & Sleepers - Black Paris 86 (2007)

Premier album du duo américain, Black Paris 86 croise une électronica voilée, des remous d’abstract hip-hop, du jazz fuselé et une forme de pop gris pâle. C’est bourré de torsades instrumentales et délicates mais ça saccage les tripes. Peut-être l’album le moins sombre de cette liste, certainement pas le moins mélancolique. (M)




- Autechre - Tri Repetae (1995)

Pas facile de choisir entre les déconstructions malaisantes de Chiastic Slide, les dérèglements insidieux de Confield, les abstractions labyrinthiques d'Untilted... donc finalement, honneur à Tri Repetae, meilleur compromis entre noirceur et génie visionnaire : sans doute pas l'album le plus jusqu'au-boutiste de Sean Booth et Rob Brown mais très certainement leur meilleur, qu'irrigue sous ses implacables rouages de beats cliniques et de nappes anxieuses cette mélancolie d'hommes-machines conscients de leur propre déshumanisation. (R)


 - Bad Sector - Chronoland (2011)

Dernier album en date de ce ponte trop méconnu du dark ambient, Chronoland invite dans un monde sous-terrain, fait de pulsations irréelles, et pourtant irrigué d’étonnants flux de lumière, des éclats poétiques, presque candides, brûlant doucement au cœur de ce dédale. (M)




- Aidan Baker - Lost In The Rat Maze (2011)

On reviendra sur la pléthorique discographie du Canadien via l'incontournable duo Nadja qu'il forme avec la bassiste Leah Buckareff, mais c'est avant tout en solo que le pape du doom ambient brille par la richesse de son inspiration, de jams space-rock en boucles glitch ou autres impros de guitare astrales. En témoigne l'éther psyché et les vapeurs krautjazz de cet étrange disque hanté par mille murmures fébriles, purgatoire impressionniste pour fantômes du shoegaze en mal de pédales d'effets et de rêves éveillés. (R)


- Bastärd - Radiant, Discharged, Crossed-Off (1996)

Brûlot de noise-rock râpeux et limpide à la fois, le deuxième album des Lyonnais de Bastärd emboutit des réverbères à coups de saturations obsédantes, construit des espaces anguleux, laisse planer des respirations moites et vous crache au visage qu’il est un immense disque de rock expérimental. (M)

- The Blood Of Heroes - The Waking Nightmare (2012)

Troisième opus du collectif carnassier initié par Kurt Gluck et Bill Laswell, mais deuxième véritable album, The Waking Nightmare ne triche pas et correspond tout à fait à son titre : un amalgame extrêmement sombre de dance-hall apocalyptique, de metal en fusion et de drum'n'bass nucléaire. Bill Laswell a disparu mais Justin K. Broadrick est toujours là. Et entendre ses guitares se débattre dans une jungle de beat contondants, c'est se prendre des éclats cauchemardesques en pleine poire et ne pas en revenir. (L)


- Blut Aus Nord - Mort (2006)

Encore un titre qui ne trompe pas : MoRT. Parce qu'un corps en décomposition doit probablement chanter ainsi. Un black maladif et moribond raclé jusqu'à l'os d'où ne s'échappe que le carillon morbide des guitares. Partout ailleurs, des cris, une boîte à rythme sépulcrale, une basse de croque-mort et une seule destination : le noir absolu et la laideur au sein desquels, paradoxalement, fleurit un certaine beauté. (L)



- Boredoms - Chocolate Synthesizer (1994)

Pas vraiment sombre mais complètement taré. Quoi qu'ils fassent, les Japonais seront toujours les plus extrêmes. Sans doute les stigmates du feu nucléaire. Inutile de décrire la musique car de musique, ici, nulle trace. En revanche, un catalogue de tout ce qui se fait de mieux en termes d'agressions sonores, de non-sens et de folie pure. Légèrement plus construit que l'illustre (et très recommandé) Pop Tatari, Chocolate Synthesizer annonce le psychédélisme à venir de Super AE (lui aussi très recommandé), en beaucoup plus crétin toutefois. C'est exécrable, c'est jubilatoire, c'est les Boredoms. (L)


- Bronnt Industries Kapital - Virtute Et Industria (2005)

Parallèlement aux incursions kraut-folk de Gravenhurst sur Fire In Distant Buildings, Nick Talbot mettait un point final à 4 années de collaboration cryptique avec son compatriote bristolien Guy Bartell (resté seul depuis aux manettes de BiK tous synthés en avant) pour accoucher de cette uchronie victorienne au souffle baroque, transposant les traumas urbains du Third Eye Foundation de You Guys Kill Me, la tension rétro-futuriste de Carpenter et les élégies de Morricone dans les souterrains suintants de l'Angleterre du XIXème siècle. Épique et bouleversant, un grand disque de l'ombre. (R)


- Peter Brötzmann - Machine Gun (1968)

Difficile de poser des mots en quelques lignes sur ce monument. Machine Gun, c'est l'une des toutes premières tentatives de free jazz européen. Le Peter Brötzmann Octet en explose consciencieusement les limites. Un disque qui engendre la fusion des neurones, injectant force sauvagerie dans ses structures alambiquées amenées par trois saxophones (bariton et ténor) et une double rythmique titanesque. Un manifeste brutal qui provoque, j'imagine, la même sensation qu'une balle dans la tempe. Pan ! T'es mort. Quarante-cinq années plus tard, son pouvoir de sidération demeure intact et sa violence inégalée. (L)


- Candle Nine - The Muse In The Machine (2010)

Premier album de Steven Stefaniak dont on attend désespérément une suite, ce concentré d’IDM fragmentée et de griffures de glitch assorties d’une pesanteur industrielle déploie une redoutable profondeur mélodique. Un coup à (re)succomber à un spleen entaché de romantisme, aussi beau qu’il est violent. (M)




- Cannibal Ox - The Cold Vein (2001)

Monument personnel, un disque qui doit beaucoup à El-P (voire tout, si l'on s'en tient à l'écoute du dernier opus réalisé sans lui). Un trou noir morbide, futuriste, abstrait, à base de beats viciés, de samples funestes, d'effets dégénérés sur lesquels surnagent les flows désespérés et les histoires crues de Vast Aire et Vordul . Un vortex qui emmène dans les coins les plus reculés de la psyché humaine, ceux dont on aurait aimé ne jamais soupçonner l'existence. (L)



- John Carpenter - The Fog OST (1980)

Des générations d'aficionados de l'horreur sur pellicule traumatisés par ses mélodies à trois accords sur fond de nappes ténébreuses et de beats pulsés ne peuvent qu'être dans le vrai : Carpenter n'a pas seulement réinventé la série B fantastique mais également la musique de synthés. Chaînon manquant entre Lustmord et la Motorik, le minimalisme de l'Américain déjà cité deux fois dans cet article préfigurait plus que jamais le dark ambient moderne avec cette BO de Fog, modèle d'économie de moyens et d'angoisse pernicieuse dont l'influence irradie aujourd'hui du drone au revival électro 80s en passant par le hip-hop oppressant d'El-P ou l'indus sulfureux de Vatican Shadow. (R)


- Cindytalk - Camouflage Heart (1984)

On adore les derniers albums de Cindytalk, la période Editions Mego de sa très riche discographie qui voit la créature de Gordon Sharp explorer les méandres flous d'une musique de plus en plus abstraite, de plus en plus dépouillée et près de l'os. Mais le truc avec Cindytalk, c'est qu'on a toujours adoré ses albums, à commencer par ce Camouflage Heart inaugural qui n'a rien à voir et arpente les chemins caverneux d'un post-punk martial, glacial, noir et on ne peut plus sale. La grande différence, c'est qu'à l'époque, on entendait encore sa voix, une voix au diapason de la musique qui la porte : étranglée, douloureuse et touchant en plein cœur. Un disque d'une rare intensité qui enveloppe à tel point que la vision désespérée qu'il dégage devient immédiatement la nôtre. Chef d’œuvre. (L)
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Nous voici arrivés au terme de cette première salve. Les quatre suivantes seront du même acabit et s'il y a fort à parier que vous en connaissiez déjà quelques-uns, peut-être ferez-vous quelques découvertes ou du moins, aurez-vous envie de remettre ces disques-là sur la platine.

La suite bientôt...

Manolito, leoluce & Rabbit

8 commentaires:

  1. c'est marrant quand j'ai écouté Access To Arasaka - Oppidan à sa sortie, je me suis demandé s'il resterait ou s'il serait noyé sous les trucs du même genre... heureux de voir qu'il est resté.

    Bon ne sachant pas trop quoi écouter j'entame la liste des trucs que je ne connais pas... Merci pour l'initiative...

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  2. Avec plaisir ! On serait bien curieux de savoir quels disques tu aurais choisi d'ailleurs.

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    1. Ma discothèque idéale en 298 disques se trouve là : http://horssaisons.free.fr/

      Sinon j'ai beaucoup aimé Ab Ovo... A l'occasion j'enrichirais ma liste avec la votre...

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    2. Non mais juste le versant dark et un seul par artiste, sinon on s'en sort plus !

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    3. Bien content de retrouver Yuka Honda dans ta liste (pas si surpris par contre, Tzadik oblige !), j'adore surtout son petit dernier Heart Chamber Phantoms.

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    4. ahaha mais pour le versant dark, je vous suis... Je n'ai rien à ajouter.
      A propos de Y. Honda, il y a plein de belles choses sur les disques de Cibo Matto.

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  3. Bien, bon début pour cette liste, j’apprécie qu'elle soit aussi variée. Bonne continuation.

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    1. Merci ! La suite est tout aussi variée à priori.

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