vendredi 17 février 2012

Mike Cooper - Distant Songs Of Madmen


Date de sortie : 23 janvier 2012 | Label : Room40

Offert au téléchargement par le label Room40 en l'honneur des 70 ans de son auteur (dont plus de 40 de carrière tout de même) et pourtant passé quelque peu inaperçu en ce début d'année, Distant Songs Of Madmen a de quoi surprendre les aficionados du label de Lawrence English. Figure centrale quoique méconnue au côté de John Fahey ou Jack Rose de cette scène folk d'improvisaton dite "primitiviste" (cf. la pochette) également rompu aux expérimentations plus texturées de Fred Frith ou Keith Rowe, il faut dire que Mike Cooper a sans doute contribué à influencer le blues déglingué aux dissonances barbelées de Bill Orcutt, la liberté de ton et d’exécution de Marc Ribot ou le psychédélisme lancinant de Ben Chasny davantage que l'ambient méditative d'artistes plus typiques de l'écurie australienne tels que Rafael Anton Irisarri, Minamo ou Pimmon.

Pour autant, cet album enregistré live à Palerme en juin 2010 - sans que rien d'ailleurs ne vienne le laisser deviner jusqu'à cette courte salve d'applaudissements finale - ne jure pas véritablement dans le catalogue du label, alternant compositions originales, reprises de classiques folk ou country et transitions largement improvisées en une véritable suite sans autre rupture ou respiration que celles inhérentes au jeu de guitare singulier de l'Anglais, tout en saccades discordantes et en accélérations impromptues.

Qu'elles soient poétiques (Movies Is Magic, tirée du délicieusement rétro et néanmoins mésestimé Orange Crate Art de Brian Wilson et Van Dyke Parks et ici dénudée jusqu'à l'os ; le fabuleux Dolphins de Fred Neil quasi a capella sur fond de larsens et de picking noisy) ou plus politiques (Plane Wreck At Los Gatos écrite par Woodie Guthrie pour protester contre la déportation sans ménagement des passagers mexicains d'un crash en Californie dans les années 40 ; le tropicaliste Do You Want My Job? de Ry Cooder transformé en complainte bluesy vrillée de drones en mode reverse), les chansons choisies par Cooper, également journaliste pour le magazine fRoots, reflètent son attachement à un certain patrimoine classique de l'histoire musicale d'outre-Atlantique mais sont, le plus souvent, paradoxalement soumises à un traitement tout sauf conventionnel hérité pour partie de son expérience d'illustrateur sonore de films muets.

He'll Have To Go, hit country popularisé par Jim Reeves à l'aube des années 60 et repris justement par Ry Cooder parmi bien d'autres en constitue peut-être le meilleur exemple, poursuivant dans une déferlante de crissements sur la lancée incantatoire du mystique Spirit Song - en référence au mouvement d'indépendance des Papous de Nouvelle-Guinée - pour finalement se terminer sur une épiphanie cosmique digne des manipulations sur bandes de bon nombre de soundscapers actuels.

Songwriting limpide voire parfois aride, picking fébriles, errances à la lap steel et drones électroniques générés puis triturés en direct à partir de boucles de guitare acoustique s'entremêlent ainsi le plus naturellement du monde mais dans un constant va-et-vient d'intimité et d'étrangeté, évoquant le dialogue intérieur apparemment sans queue ni tête d'un philosophe en pleine crise de schizophrénie. Un chaos maîtrisé dont s'extirpe à intervalles réguliers la voix chaleureuse et légèrement nasillarde de Cooper, ses accents à la Neil Young en moins aigu servant de fil d'Ariane pour nos oreilles désorientées tout au long d'un disque aux influences littéraires assumées (jusque dans son titre emprunté à l'acteur et dramaturge Sam Shepard, essayiste à ses heures) et que l'on ne saurait trop conseiller à ceux pour qui "américana" rime avec hippies et guitares en bois.

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