Sortie : 1 octobre 2012 | Label : Tru Thoughts Records / Denovali Records
Voilà deux ans que Hidden Orchestra a
émergé, sortant Night Walks, un album qui leur a apporté un succès
critique certain, en Ecosse et ailleurs. Le quartet d'Edimbourg, mené
par sa tête pensante Joe Acheson, poursuit ses libres manipulations
de jazz électronique, dense et entêtant. Comme son prédécesseur,
Archipelago sort chez les Anglais de Tru Thoughts ainsi qu'en version
double vinyle sur l'éminent Denovali.
Archipelago est de ces disques d'une
redoutable évidence, qui promptement absorbent mais dont les fils se
remontent avec patience. Composée d'Acheson à la basse et au
laptop, de deux batteurs, Jamie Graham et Tim Lane, et de la
violoniste et keyboardist Poppy Ackroyd, la formation s'accompagne
sur cet album d'un violoncelle, d'une trompette, d'une harpe et d'une
clarinette. La musique de Hidden Orchestra sonne comme la cohésion
bruissante d'innombrables flux instrumentaux. Mélange
insaisissable de jazz, de pulsations hip-hop et d'électronica
crépusculaire, Archipelago se fait la bande-son de périples exaltés
et arides, peignant la fougue de tableaux vifs et impénétrables.
Toujours réflexif, tantôt en retrait,
tantôt sauvage et distillant des instants de breakbeat bien concret,
le jeu des batteries est pour beaucoup dans la façon dont ces 10
courtes histoires s'inscrivent au coeur du crâne, soulevant des
sarabandes internes et des vagues d'émotions. Alors que les titres
ont la bonne idée de se déployer au delà de cinq minutes, le
quartet s'amuse à décliner les points d'orgue, faisant lentement
refluer la puissance pour la laisser, la seconde d'après, vous
exploser entre les deux yeux, non sans éclats de percussions, de
poussière et de cuivres. Ainsi Overture, sous un climat de
demi-jour, de flou et de frimas, érige des cathédrales de rythmes
et de volutes mélodiques. Les cordes enivrent, les textures
crépitent et la batterie fait de la voltige. On atteint des sommets
dès le premier morceau, sauf que la suite est faite du même et
splendide bois. Sur l'ouverture de Flight, on s'empêchera
difficilement de penser au Kilimanjaro Darkjazz Ensemble.
Si les teintes demeurent opaques et
décolorées, la délicatesse des arrangements fait entrer des pans
de lumière entiers. Les qualités de mélodiste de Joe Acheson sont
immenses. Le violon, le violoncelle, les cordes pincées et les
détails de cristal que l'homme conçoit de manière électronique
accordent à la musique de Hidden Orchestra une dimension
introspective et profondément romantique. La suavité se heurte au
désemparement, celui qui tenaille lorsqu'on supporte le poids des
choses trop belles. D'infinies arabesques continuent de se répandre,
les tonalités cinématiques gagnent en consistance, subtilement
appuyées par la trompette de Phil Cardwell. Les field recordings aux
goûts d'embruns et de cris de mouettes – enregistrés sur un
bateau au large de l'île écossaise de North Rona – rappellent que
la trame de l'album prend sa source dans les paysages irréels, dans
la solitude face à la mer, dans la nature saline qui borde la
région.
Intégralement instrumental et
absolument réussi, Archipelago fonde un peu plus le brio du quartet.
Il y a une semaine, le groupe se produisait au Petit Bain à
Paris, à l'occasion de leur release party. Autant dire que la
soirée fut belle.
Manolito
Waho !
RépondreSupprimerJe ne sais ce que je trouve de plus beau entre Archipelago, et l'article de ce blog sur Archipelago...
Allez, j'en rajoute une couche sur cet album - qui dès la 3ème écoute est entré dans mon panthéon musical personnel. Je vais essayer d'être bref, mes mots ne peuvent que salir ce bijou.
Je dirais que qu'en écoutant cet album, je sais pourquoi la musique existe. Il est de ces merveilles qui nous rassurent sur le monde, qui nous font nous sentir bien. Sentir que, même si un jour tout va mal dans ce monde, il y aura toujours quelque part un archipel où aller se réfugier.
Longue vie au Hidden Orchestra. Je vénère votre musique. Elle me rend encore plus heureux.