mercredi 14 novembre 2012

Interview from the heart of darkness : 1/ Access To Arasaka


Beatmaker emblématique de l'écurie Tympanik depuis plus de quatre ans déjà, Robert Lioy est unanimement salué par ses pairs comme l'un des importants rénovateurs de l'IDM de ces dernières années. Le choix était donc tout trouvé pour la première interview d'une longue série qui verra s'exprimer dans nos pages l'ensemble des invités d'une ambitieuse compilation que nous vous offrirons en libre téléchargement d'ici la fin de l'année. Comme vous le constaterez bien vite au gré de ces entretiens, les publications clairsemées du blog depuis sa création l'hiver dernier, loin d'être la marque d'un élitisme coulé dans le formol dont d'autres se font volontiers les chantres par ailleurs, et encore moins d'un appauvrissement des sorties de qualité souvent avancé par nos confrères en mal de curiosité lorsqu'on en arrive à l'électronique exigeante, à la noise, à l'ambient et autres musiques expérimentales œuvrant sous le radar des publications établies, n'était autre que la conséquence de notre application à mener à bien ce projet sur lequel nous nous étendrons davantage très bientôt. Mais en attendant, place à Access To Arasaka qui non content de s'être prêté au jeu des questions avec l’humilité qu'on lui connaît, nous a offert un remix inédit pour patienter jusqu'à la mise à disposition du fabuleux Nodal, composé tout particulièrement pour notre compilation.



L'interview

- Des Cendres à la Cave : Que trouve-t-on dans ta cave - ou dans l'endroit où ta musique prend corps ?

Robert Lioy : Eh bien, en dehors de tout mon matériel, il y a un placard rempli de disques vinyles. Il y a une gravure encadrée de la Lune sur le mur du fond. Un autre mur a des tirages de photographies prises à Paris par différents photographes. Juste au-dessus de mon bureau d'ordinateur, il y a des posters accolés d'Audrey Hepburn et Marilyn Monroe. Il y a la petite fontaine d'un Bouddha riant sur l'une de mes enceintes de studio, et pas une seule ampoule blanche où que ce soit. Pas tout à fait ce à quoi vous vous attendiez, j'en suis certain.

- DCALC : On associe naturellement ta musique à l'évocation d'univers futuristes et cybernétiques. La SF, le cyberpunk sont-ils une réelle source d'inspiration pour tes compositions ? Conçois-tu par exemple tes morceaux ou albums comme des bandes originales imaginaires d’œuvres qui t'ont marqué ?

Robert : La science-fiction, et le cyberpunk en particulier, ont été une énorme partie de ma vie depuis aussi longtemps que je me souvienne. J'entends souvent de la musique dans ma tête quand je lis certains livres, et j'essaie de l'imiter aussi bien que possible quand je crée mes propres morceaux. Au départ, l'idée était de composer des bandes originales personnelles, en quelque sorte. Entendre des gens qu'ils écoutent ma musique en lisant les mêmes livres ou en jouant aux mêmes jeux est l'un des plus beaux compliments que l'on puisse me faire. Il me donne l'impression que je fais les choses comme il faut.

L'inquiétante vidéo de Lysithea (feat. Jamie Blacker) co-réalisée par Tanner Volz (aka Anklebiter) et Britt Parrott. Le morceau apparaît sur Geosynchron (2011).


- DCALC : Si tu devais associer ton morceau à une image, quelle serait-elle ?

Robert : Je suppose que si je devais choisir une seule image à associer à Nodal, ce serait le Métavers du roman Le Samouraï Virtuel de Neal Stephenson. J'ai imaginé marcher dans les rues de cette simulation, et j'ai essayé de capturer la façon dont elle mélange un sentiment de vide avec la réalité affairée d'un réseau virtuel complexe. C'est un endroit que j'ai toujours voulu explorer.

- DCALC : Tu collaborent étroitement avec Tympanik Audio depuis Oppidan sorti dans la foulée de la compilation  Emerging Organisms Vol. 2 à laquelle tu participais en 2008, que trouves-tu sur le label de Chicago qui explique la pérennité de cette relation ?

Robert : Tympanik a été ma porte d'entrée dans cette communauté incroyable de musiciens et d'auditeurs. Je leur dois vraiment beaucoup, pour les amis que je me suis faits et les expériences que j'ai vécues.
Du point de vue du business, Paul Nielsen est l'une des meilleures personnes avec qui j'ai jamais travaillé. Il est extrêmement motivant, une constante source d'inspiration, et son amour (ainsi que sa foi) en la musique est inébranlable.
Du côté de la musique, j'ai le plus grand respect pour chacun des artistes signés sur le label, à la fois anciens et nouveaux. Chacun d'entre eux m'inspire, et ils sont tous tellement ouverts et gentils. J'étais nerveux au début, êtant le petit nouveau. Mais ils m'ont tous immédiatement fait me sentir tellement bien accueilli, un état d'esprit que je n'avais jamais connu auparavant. Je peux affirmer avec certitude que même si je sors des disques de temps en temps sur un autre label, Tympanik sera toujours là où mon coeur se trouve.

- DCALC : De plus en plus de beatmakers te considèrent comme une influence, que ressens-tu lorsqu'on te cite en référence quelques années à peine après tes débuts ?

Robert : C'est extrêmement flatteur, mais aussi incroyablement terrifiant. Je ne m'étais jamais attendu à être considéré comme une influence par qui que ce soit. Je n'aurais même jamais cru que ma musique puisse être entendue par qui que ce soit ! C'est pour le moins surréaliste. Je doute pouvoir jamais m'y habituer. Mais entendre quelque chose qui a été inspiré par ma musique, et qui à son tour m'inspire, cela montre bien comment nous travaillons tous ensemble avec une sorte de machine synergique construite sur de l'admiration et du respect. Tout comme nous nous aidons les uns les autres à escalader cette montagne vers de nouveaux sommets, sans nous soucier duquel d'entre nous y parviendra le premier. C'est une belle sensation de faire partie de cela.


- DCALC : Et toi-même, si tu devais nous conseiller trois jeunes beatmakers à garder dans le collimateur ?

Robert : Tineidae, sans aucun doute. Il a surgi des starting-block avec Lights et vous pouvez vous attendre à des choses encore plus incroyables de sa part dans le futur.
Alteranima aussi va bientôt faire de grosses vagues, alors gardez les yeux et les oreilles ouverts pour son premier album.
Et il y aura de grandes visions provoquées par Blutspan. Il a récemment trouvé un foyer avec Signifier, qui est un excellent choix pour lui. Mais ne manquez pas son album A_world_still_[y]ours chez Abstrakt Reflections !

- DCALC : Ta veillée de fin du monde, tu comptes la passer comment ?

Robert : J'ai pensé faire quelque chose de fou et amusant, mais ce n'est vraiment pas mon style. Je vais très probablement passer la nuit avec mon chat et une bouteille de vin ou deux, sans doute en lisant Neuromancien pour la douzième fois. Et aussi, peut-être à aiguiser des épées en cas de zombies.

- DCALC : Et si on en réchappe, quels sont tes plans pour 2013 ?

Robert : Eh bien, 2013 s'annonce comme une année aux nombreuses expériences et collaborations. Que certaines d'entre elles finissent par voir la lumière du jour ou non reste encore à déterminer. En dehors de l'album avec Dirk Geiger et Erode [ndlr : Reports From The Abyss, annoncé de longue date chez Tympanik], il y a des projets en route avec Tapage [ndlr : que l'on attend quant à lui du côté de la compilation d'IRM], Anklebiter [ndlr : bientôt en interview ici même], Lucidstatic et Tineidae pour n'en citer que quelques-uns. J'espère pouvoir m'asseoir et écrire un nouvel album, si le temps et l'inspiration le permettent.
À moins que je sois l'un des seuls à survivre à la catastrophe, et que je sois jeté sur une terre de désolation à la Mad Max. Dans ce cas, je volerai des voitures de luxe et les conduirai incroyablement vite, à poil et en n'écoutant rien d'autre que Mötley Crüe.



Le cadeau d'AtA

Extrait du gargantuesque double album Symbiont Underground de Lucidstatic, le belliqueux Misplaced se voit infliger un traitement plus insidieux par notre New-Yorkais, répondant en quelque sorte à la version à la fois martiale et hantée que le beatmaker d'Anchorage livrait sur le récent Surgical Theatre 2 de l'épique et déstructuré Razorgirl publié par Access To Arasaka sur la compilation Emerging Organisms Vol. 4 :




Quelques liens

- le site officiel d'Access To Arasaka
- AtA sur facebook
- l'album Geosynchron (2011) commenté sur IRM
- l'album Void(); (2010) chroniqué sur IRM
- une entretien très approfondi avec Robert Lioy chez Chroniques Électroniques



Version originale

- Des Cendres à la Cave : What can one find in your basement - or wherever your music takes shape ?

Robert Lioy : Well, aside from all of my equipment, there is a closet filled with vinyl records. There is a framed print of the moon on the far wall. Another wall has prints of photographs taken in Paris by various photographers. Right above my computer desk, there are side-by-side prints of Audrey Hepburn and Marilyn Monroe. There is a small fountain of a laughing Buddha on one of my studio monitors, and not a single white lightbulb anywhere. Not entirely what you might have been expecting, I'm sure.

- DCALC : Your music combines naturally with futuristic and cybernetic evocations. Are science-fiction and cyberpunk a real source of inspiration for your compositions ? Do you see for example your tracks or albums as imaginary soundtracks for books or movies that affected you ?

Robert : Science-fiction, especially cyberpunk, has been a huge part of my life for as long as I can remember. I do often hear music in my head when reading certain books, and I try to emulate it as best as I can when I create my own tracks. I originally had set out to create personal soundtracks, in a way. To hear from people that they listen to my music while reading the same books or playing the same games is one of the greatest compliments. It makes me feel like I am doing something right.

- DCALC : If you had to associate your track to an image, what would it be ?

Robert : I guess if I had to select a single image to associate Nodal with, it would be the Metaverse from Neal Stephenson's Snow Crash novel. I imagined walking the streets of that simulation, and tried to capture the way it blended a sense of emptiness with the busy reality of a complex virtual network. It is a place I have always wanted to explore.

- DCALC : You're working closely with Tympanik Audio since the release of Oppidan, in the wake of the compilation Emerging Organisms Vol. 2 in which you took part back in 2008. What are you finding in the ranks of the Chicago label that explains the longevity of this relationship ?

Robert : Tympanik was my gateway into this incredible community of musicians and listeners. I really owe so much to them, for the friends I've made and the experiences I've had.
From the business standpoint, Paul Nielsen is one of the greatest people I've ever worked with. He's extremely motivating, he's inspiring, and his love for (and belief in) music is unwavering.
From the musical side, I have the utmost respect for every single artist on the label, both old and new. Every one of them inspires me, and they are all so open and kind. I was nervous at first, being the new act on the label. But they all immediately made me feel so welcomed, and I had never experienced that before. It's safe to say that even if I do release with another label from time to time, Tympanik will always be where my heart lies.


- DCALC : More and more beatmakers consider you as an influence, what do you feel about being mentionned as a reference only a few years after you started releasing music ?

Robert : It is extremely flattering, but also incredibly terrifying. I had never expected to be considered an influence to anyone. I had never expected my music to even be heard by anyone! It's surreal, to say the least. I doubt I'll ever get used to it. But upon hearing something that was inspired by my music, which in turn inspires me, it just goes to show how all of us are working together with a sort of synergistic machine built on admiration and respect. Like we are all helping each other climb this mountain to new heights, and not caring which of us gets there first. Being a part of that is a great feeling.

- DCALC : And on your own part, if you had to name three young beatmakers worth keeping on the radar ?

Robert : Tineidae, without question. He came right out of the gates with Lights and you can expect some even more amazing things from him in the future.
Alteranima is going to make some big waves soon, so definitely keep your eyes and ears open for her debut album.
And there will be great visions brought on by Blutspan. He recently found a home with Signifier, which is an excellent fit for him. But don't miss his A_world_still_[y]ours album on Abstrakt Reflections !

- DCALC : How are you going to spend your end of the world eve ?

Robert : I thought of doing something crazy and fun, but that's really not my style. I'll most likely be spending that night with my cat and a bottle or two of wine, probably reading Neuromancer for the 12th time. Also, possibly sharpening swords in case of zombies.

- DCALC : And if one survives, what are your plans for 2013 ?

Robert : Well, 2013 looks to be a year of many collaborations and experiments. Whether any will see the light of day or not is yet to be determined. Aside from the collaborative album with Dirk Geiger and Erode, there are some projects happening with Tapage, Anklebiter, Lucidstatic, and Tineidae to name a few. I do hope to sit down and write another full-length album, if time and inspiration allow.
Unless I am one of the only people to survive the end, and am thrown into a Mad Max wasteland. In that case, I will steal fancy cars and drive them incredibly fast while naked and listening to nothing but Mötley Crüe.

Propos recueillis par Rabbit

4 commentaires:

  1. Merci pour l'interview, le remix est particulier quand on connait bien le style d'AtA mais il n'en reste pas moins impressionnant.

    Y'a une interview d'environ 20 mins de lui par un webzine anglophone dispo sur sa page FB pour ceux que ça intéressent.

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  2. Thanks for the interview, but where is the new remix from AtA? I can't find it. :/

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  3. @ Anonyme : avec plaisir, et merci du tuyau.

    @ 000x02 : you're welcome, the remix is right above the links and english version.

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  4. Yeah my bad. Opera does not showed me the soundcloud plugin but works in Firefox!

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