Date de sortie : 17 avril 2014 | Label : Hands In The Dark
On avait quitté Saåad en janvier 2013, après la claque allongée par Orbs & Channels.
C’est à peine plus d’un an après que Hands In The Dark sort leur quatrième album et premier LP, Deep/Float. Entre les deux, Romain Barbot et Greg Buffier n’ont pas négligé leurs guitares ni leurs couches de son. Les fondations de Deep/Float proviennent de captations de leur prestation au festival Echos en juin 2013, dans un coin des Alpes du Sud dont l’acoustique naturelle se conjugue particulièrement bien aux improvisations qui prennent le drone pour fondement. De ces extractions, les deux Toulousains ont fait une substance à la fois brute et hautement travaillée, qui s’étire et s’allonge sur une quarantaine de minutes. De ce lieu, Gregoire Orio (As Human Pattern), troisième membre du groupe, a tiré un clip aussi spectral que la musique qu’il accompagne.
Si on part du principe que le temps est un cercle plat, alors Deep/Float doit s’écouter en boucle. Pas (seulement) pour sa qualité, mais pour vivre les nuances et les ricochets qui le jalonnent de façon répétée, circulaire. C’est le format même de l’album qui se trouve bouleversé, pour peu qu’on envisage l’écoute de cette manière. Début d’une rotation perpétuelle, le mouvement s’enclenche par la basse retentissante et sourde de Valley Of Quartz. Les ondes se réverbèrent sur des parois invisibles, les fantômes affleurent et mugissent au loin, tandis que la mélodie perce, flamboyante, malgré la charge de ténèbres qui ne disparaît jamais. C’est peut-être en cela que Saåad brille, par sa capacité à injecter de la fluidité, des volutes et surtout de la lumière, même ténue et trouble, au matériau composite qu’est sa musique, flottant entre drone et dark ambient. Ce souffle-là, de l’ordre de l’étincelle, incarne tout le ressort de l’émotion, ce grâce à quoi ces morceaux touchent et résonnent.
À l’exception peut-être de Giant Mouth, plus linéaire, la suite prend la forme d’un chemin immatériel mais constellé d’embuches. L’incertain règne, les fréquences hésitent, on avance à tâtons et le doute fait la beauté du voyage. Les accrocs hiératiques de I Will Disappoint You prennent cette direction. En progressant, le morceau s’étiole, se disperse, se consume. Le fait que l’album prenne pour thème la sexualité - amusez-vous à lire les premières lettres de chaque morceau - n’est probablement pas étranger à cette impression de temps suspendu, de friction, de sel et d’inconnu. L’amour à même la roche, voilà qui pourrait être la proposition de Saåad. Quand vient la fin – avant le recommencement – on a quitté la route accidentée, le fleuve se brise en une cascade bouillonnante. Un truc pur à t’en faire cligner des yeux, qui rejaillit de partout et te laisse l’échine courbée. After Love représente sans le moindre doute la pierre angulaire de Deep/Float. C’est la raison pour laquelle l’écoute cyclique s’impose, elle doit être construite autour de lui.
Deep/Float est sorti hier. Les plus chanceux auront goûté au live dans la foulée. Pour les autres, il reste le vinyle, à jouer sans que la rotation ne s’arrête.
Manolito
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire