vendredi 31 octobre 2014

Deep & Dark Download of the Day : Zoran & Gimu - A World Apart


Lapilli et débris osseux jonchent le sol gris de cendre qu'arbore la pochette de cette collaboration entre le droneux brésilien Gilmar Monte (à l'honneur de cette même rubrique en juin dernier pour le vaporeux et abstrait Moving Still) et le soundscaper dark ambient slovène Zoran Peternelj venu du dub ambient et de la techno old school. Malgré ce background électronique, difficile néanmoins de savoir qui fait quoi sur A World Apart, Gimu nous ayant également habitués à l'usage de beats minimalistes noyés sous ses textures mouvantes agencées en flux magnétiques, tant et si bien que le Young Vocanoes introductif, avec ses discrètes pulsations martiales et ses soubassements grondants, pourrait aussi bien être issu de l'une de ses sorties solo.

Qu'importe, la suite s'avère plus ouverte et l'osmose est parfaite entre les deux musiciens, qu'il s'agisse de gravir armé d'un piolet et de broches à glace les pics gelés de Summits où se réverbèrent telles des lames de lumière tranchantes comme des rasoirs les rayonnements d'un soleil de plomb, d'arpenter la vallée spectrale d'un Dead Plains aux allures de désert de sel que des arpeggiators de synthés vintage ourlés de drones éthérées ouvrent sur des cieux constellés d'étoiles, de plonger dans les courants tourbillonnants de The Lush Fields I'd Run To jusqu'à en perdre pied et frôler le vertige des grands fonds dans la lueur opalescente des fourmillements électroniques zébrés de bourdons abrasifs, ou de finalement décoller pour l'espace avec Igneous, à la découverte d'autres constellations (Gulf).


Télécharger Zoran & Gimu - A World Apart

mercredi 29 octobre 2014

Deep & Dark Download of the Day : Rec008 - Longing I EP


S'agissant de condenser son univers en un seul morceau-fleuve de 18 minutes, on pouvait se demander si le Russe Rec008 allait opter pour le drone ambient élégiaque ou le post-rock métronomique, deux facettes qui s'équilibraient et s'interpénétraient assez idéalement sur le mélancolique Abate du mois dernier. L'intitulé de l'unique piste que comprend cet EP appelé à connaître une ou plusieurs suites met toutefois la puce à l'oreille d'emblée : il sera question pour le musicien de nous faire partager sa nostalgie pour la nature qu'avalent un peu plus chaque jour nos cités de béton.

Exit donc la batterie claire et les guitares en suspension, seuls subsistent ici ces longues distorsions synthétiques évoquant la désespérance éclairée aux néons d'un futur façon Blade Runner qui est déjà un peu le nôtre. Forcément languissant, mais tout aussi poignant à condition d'abandonner son vague à l'âme à la dramaturgie contemplative de cette longue marche nocturne au milieu des buildings dépersonnalisés d'une métropole endormie, où l'on n'entend pas plus d'oiseaux qu'il n'y a d'arbres pour border ses artères à perte de vue.


Télécharger Rec008 - Longing I EP

mardi 28 octobre 2014

Deep & Dark Download of the Day : Astral & Shit - Spiritus Vitae


Après Wild Circus et Black, déjà du nouveau pour le Russe Ivan Gomzikov. Morceaux-fleuves majestueux et languissants, artwork antique, références ésotériques au cheminement vers l'illumination paradoxalement mises en musique par des textures crépusculaires aux harmonies troublées, tous les ingrédients sont là sur ce "Souffle de vie" qui s'étire sur près de 80 minutes.

Et pourtant, même à la suite d'une bonne douzaine de sorties cette année, on ne se lasse toujours pas des errances spirituelles d'Astral & Shit, d'autant moins quand les drones semblent se consumer comme ici, au son des flammèches crépitantes qui en alimentent la ferveur énigmatique (Lumina, Micat, Strepitu). Tandis que les flux et reflux lancinants de synthés liturgiques évoquent l'austère obscurantisme d'un futur voué de toute éternité à rejouer les sombres pages de l'Histoire, des field recordings plus concrets usant de nos petites nuisances sonores (toussotements, éclaircissements de voix, murmures maladroits et autres bruits de pas) réverbérées par l'espace infini d'une cathédrale à ciel ouvert (Manete, le final Semita) rappellent qu'aussi insignifiant soit l'Homme dans la marche du Temps, c'est sa foi en la vie, attentive aux manifestations aussi ténues qu'un chant d'oiseau dans la nuit noire (Glossa), qui fait de nous les témoins sans qui les ténèbres, comme leurs éclaircies, ne feraient que passer sans laisser de traces.


Télécharger Astral & Shit - Spiritus Vitae

samedi 25 octobre 2014

Deep & Dark Download of the Day : Morbidly-O-Beats - Growing Like Fungus EP


MC et producteur de Chicago dont on a déjà pu goûter cette dernière année les instrus lo-fi tantôt planants et opiacés (en mode abstract) ou plus mordants et déconstruits (lorsque le rap s'invite) du côté d'I Had An Accident ou US Natives Records, Morbidly-O-Beats inaugure cette fois le tout jeune label clermontois Hello.L.A. du graphiste Bertrand Blanchard, dont l'artwork morbide et fuligineux souligne joliment la dimension fataliste de ces huit vignettes aux beats anguleux (DISStorded) et aux synthés déliquescents (Outro), quelque part entre le voltage crépusculaire des Dust Brothers de Fight Club (Enemy), le flow magnétique de Thavius Beck (Dead Eye) et les productions pour Sole du génial Odd Nosdam à la grande époque d'Anticon (Star).

Influence avouée depuis l'adolescence (visiblement son No More Wig For Ohio avait ouvert quelques chakras), c'est toujours ce dernier mais période Level Live Wires qu'évoque le contraste entre la sérénade d'une harpe éthérée et le souffle livide des nappes saturées sur Forgiveness In Two Parts. Pas étonnant que Morbidly-O-Beats et son pote MJC aient pu convaincre l'ex cLOUDDEAD de lâcher au printemps dernier un remix du second sur Earwax Vol. One, premier EP de leur propre écurie FilthyBroke qu'il faudra également suivre de près. En attendant, on se délectera de la tension viciée du bien-nommé Damp&Dirty ou des fantasmagories downtempo d'un GrowingMorbidly-O-Beats ne ressemble qu'à lui, épurant à l'extrême cette même mixture de samples oniriques et de beats syncopés entendue sur cassette chez IHAA, qui fait aujourd'hui de l'Américain un petit Boards of Canada hip-hop.


Télécharger Morbidly-O-Beats - Growing Like Fungus EP

vendredi 24 octobre 2014

Art Of Burning Water - Living Is For Giving, Dying Is For Getting


Date de sortie : (approximativement) le 27 octobre 2014 | Label : Riot Season

Cinquième album déjà. Le groupe reste ce qu'il est. Art Of Burning Water c'est moche, dégénéré, ça sent mauvais et c'est approximatif. Et puis, c'est lourd aussi, ça empile les couches dégueulasses les unes sur les autres pour obstruer les capillaires et ça vise l’asphyxie. Et d'ailleurs, souvent ça l'atteint. Art Of Burning Water, ça va vite également. Rythmique marteau-pilon, voix d'hyène en rut, riffs qui giclent à la vitesse de l'éclair, l'un chassant immédiatement l'autre. Mais ça peut aussi être très lent et souvent, l'immobilité arrive sans crier gare, comme ça, en plein milieu d'un morceau par ailleurs jusqu'au-boutiste et violent. Et enfin, c'est assez monolithique. Bien plus ici que sur This Disgrace, leur précédent méfait de 2013. La faute sans doute à une production légèrement plus étouffée et à une série de morceaux en ouverture faussement gémellaires qui voient le groupe littéralement nous marcher dessus. Comme une cohorte d'éléphants obèses labourant l'épiderme. On a un peu l'impression que le disque lui-même se recroqueville sous son propre poids, que les sons tentent désespérément de s'échapper des enceintes pour inhaler un peu d'air ou y flotter simplement mais que la force centripète annule puis atomise la centrifuge. La musique retourne alors d'où elle était venue, réintègre le disque et s'écroule sous sa masse. Et puis tout ce qu'il y a autour fait de même : vous, les meubles, les murs et pour finir, la Terre entière. Un Big Bang à l'envers. Ajoutons à cela que le propos est majoritairement torturé, voire complètement désespéré et qu'il multiplie les araignées dans la tête. C'est tout le temps haineux et crispé, ça ne rigole jamais et ça vous fait ravaler fissa la moindre lueur d'espoir et vous abandonne là, dans des îlots de résignation et de haine de soi. Pas vraiment glamour, encore moins sexy. En reprenant les choses là où le précédent les avait laissées, Living Is For Giving, Dying Is For Getting rappelle fort justement en quoi Art Of Burning Water est un groupe formidable. Tout y est tellement prototypique. En mélangeant ainsi finement une tonne d'éléments pas drôles et malfaisants - hardcore épileptique, metal navrant et noise hargneuse, glacis industriel et énergie punk - le groupe circonscrit les règles de l'Art et met à jour rien de moins qu'une dialectique. Un disque que l'on pourra utiliser pour expliquer la guerre aux enfants ou montrer en quoi la violence, vraiment, tu vois, c'est moche.

La basse balance des algorithmes définitifs, martèle la pulsation dans une répétition pas claire ou au contraire, change d'embranchement toutes les trois secondes. On ne sait pas trop si elle impulse ou si elle suit. La guitare fait de même et administre un nombre impressionnant de riffs alambiqués : hachés menus ou massifs, découpés à la truelle ou finement ciselés, l'éventail ainsi mis sur pied est assez ahurissant. La batterie n'est évidemment pas en reste et on souffre pour le kit en permanence en se disant qu'il ne doit pas en rester grand chose à la fin de chaque morceau (ce que semble confirmer cette mignonne vidéo). Et puis, là-dessus viennent se greffer un nombre assez important de samples et de bruits captés ici et là qui, loin d'aérer le propos, le maintiennent plutôt fermement la tête sous l'eau. Et enfin, c'est au tour de la... euh, voix ? Si on peut appeler comme ça ces cris vicelards qui ont plus à voir avec un porc que l'on égorge qu'avec un être humain. En retrait, en permanence exagérée, elle recouvre l'ensemble d'une laitance démoniaque qui affermit encore plus le ciment grossier qui se tient en-dessous. Les bases sont posées et l'on pourrait croire que le tout manque de nuances. Il n'en est rien. On a même du mal à croire le nombre effarant de possibilités que permet l'attirail plutôt basique susmentionné. En dehors de l'atmosphère extrêmement noire et violente, peu de points communs entre un It Will All Make Sense When We're Dead et un December 14th 1990 (Sadness Begins) qui le suit immédiatement par exemple : d'un côté quelque chose qui file à la vitesse de l'éclair, brise son hardcore contre des cathédrales de noise furibarde, de l'autre un bout de metal déviant lourd (très) et martial (beaucoup aussi) qui explose par à-coups et use d'une répétition forcenée. Art Of Burning Water explore consciencieusement le spectre de l'agression et se montre particulièrement exhaustif à ce petit jeu-là. On y entend des bribes d'Amebix, de Keelhaul ou de Converge, quelques accointances avec le dégénéré Temple Of The Morning Star de Today Is The Day pour l'odeur de soufre, un peu de Motörhead aussi et surtout, évidemment, sans l'ombre d'un doute, du Art Of Burning Water. Alors bien sûr, on pourra regretter que le trio n'aille pas voir ailleurs de temps en temps, d'autant plus que leur participation à The World Is Yours, compilation gargantuesque-hommage à Peter Kemp, laissait entendre un morceau un peu différent, un peu plus posé aux entournures, avec, enfin, une voix intelligible et en avant. Mais, chassez le naturel... Et puis on semble faire la fine bouche mais il n'en est rien, Living Is For Giving, Dying Is For Getting se montrant au final tout aussi impressionnant que This Disgrace.

"Art Of Burning Water love what they do and therefore need not to be loved for what they do" avance le communiqué du label. Avec de tels blocs intransigeants, on ne saurait mieux dire. Pourtant, il s'avère difficile d'aller dans leur sens. Art Of Burning Water n'aiment peut-être pas qu'on les aime mais on les aime précisément pour ça. Et parce que l'on se dit en permanence que ces trois Anglais-là peuvent tout faire, varier les attaques, explorer la vitesse autant que le ralentissement, aller au fin fond du fin fond de l'aliénation et de la férocité.

Intraitable et dégueulasse, on aura rarement entendu plus implacable cette année.

leoluce


mercredi 22 octobre 2014

No Drum No Moog - Documents Synthétiques


Date de sortie : 17 octobre 2014 | Label : Specific Recordings

Mais bien sûr, No Drum No Moog... Un mensonge éhonté. Du moog et de la batterie, il n'y a que ça dans ce disque. Pour celles et ceux que ça pourrait intéresser, en voilà d'ailleurs la liste exhaustive : Minimoog, Memorymoog, Moog Taurus 1 acoquinés à un arsenal d'autres trucs exclusivement analogo-synthétiques. Korg MS20, Korg Monotribe, Roland TR-808, Mattel Synsonics Drums et, quand même, in fine, de vraies Wooding Drums. Bref, on s'attend donc à quelque chose d'artificiel, de majoritairement robotique, la chair bien planquée derrière les machines. Et justement, concernant ce dernier point, le trio ne ment pas en appelant sa collection de morceaux Documents Synthétiques. Un disque paru un peu plus tôt dans l'année Chez.Kito.Kat Records au format CD et qui renaît aujourd'hui via Specific Recordings mais en vinyle. Avec une tracklist remaniée pour l'occasion et un nouvel artwork. Envolés les motifs célestes, place à l'estampe et au tissu. Le propos quant à lui ne change pas : du moog, partout, jusqu'au fin fond de la moindre parcelle, parfois esseulé mais le plus souvent accompagné. D'un autre moog évidemment ou d'un autre clavier, voire d'encore plus de moog et de claviers. En face, ou plutôt à côté, une batterie, parfois en plastique, parfois en bois. On trouve même un saxophone baryton sur l'impressionnant Omnia Vincit Amor sans que cela n'altère aucunement la baston synthético-anologique qui se déroule en-dessous. Et puis, pour compléter l'ensemble, une voix se fait entendre de temps en temps (sur Off In Tambov par exemple), peut-être pas complètement humaine mais une voix tout de même, qui transperce l'armure abstraite. Deux naissances la même année, ce n'est tout de même pas donné à tout le monde et ça permet d'y jeter à nouveau une oreille. Oui, parce qu'au départ, on est un peu loin de la zone de confort de ce blog. Le Moog, avec ses stridences caractéristiques, offre des sons que l'on pourrait qualifier, en toute subjectivité, d'incongrus, voire de kitsch. Et, fatalement, avec un tel vernis suranné et virevoltant, on se dit qu'il va être difficile d'adhérer.

Mais bien sûr, on se trompe. No Drum No Moog est faussement positif. Sa musique peut même se montrer sacrément triste ou menaçante. Et derrière l'habillage léger et iconoclaste, ces In The Moog For Love, Le Tour De France Cycliste et autres clins d’œil potaches, ces sonorités héritées de Cosmos 1999 ou tout autre document télévisuel qui affublaient le futur d'un côté dramatiquement daté (un comble), point en réalité une sacrée densité. Sans pour autant que Documents Synthétiques n'en devienne indigeste. Des nappes sombres ici, une dentelle mélancolique là, une batterie véloce ailleurs, beaucoup d'éléments viennent contrecarrer la personnalité fantasque du moog et on surprend ce dernier le plus souvent les larmes aux yeux, à fumer clopes sur clopes, le moral dans les chaussettes. Plus proche de TransAm que des Rentals, parfois les deux pieds dans un marécage kraut-free-rock qui n'est pas sans rappeler Salaryman ou Add N to (X), No Drum No Moog élabore des pièces touchantes montrant paradoxalement une grande variété étant donné le paradigme que s'impose le trio. Rien de pire qu'une formule pour tomber dedans mais pas de ça ici. Tantôt introspectif, tantôt expansif, Documents Synthétiques multiplie les approches tout en restant en permanence cohérent : on sent bien le fantôme dans la machine. Et s'il arrive parfois qu'il en fasse trop, il ne tombe jamais dans les travers de la muzak ou du papier peint, aussi joli soit-il. Beaucoup trop d'accidents et d'entropie là-dedans pour se contenter de n'être que tiède. Ainsi, pour un Off In Tambov ou un In The Moog For Love un poil trop évidents, HanamiOmnia Vincit Amor ou encore Le Tour De France Cycliste (hommage à peine voilé à qui-vous-savez) viennent de suite rétablir l'équilibre. Pour une dose de joliesse, la même de poil à gratter, pour une autre d'évidence, une nouvelle d'abstraction sans qu'elles ne s'annulent jamais. Dès lors, les bruits incongrus (on entend vraiment chanter le flipper sur Centaur), les samples (Dali expliquant les vertus du tour de France en ouverture du morceau du même nom, la voix synthétique qui introduit le disque) et tous les éléments qui viennent aérer la musique de No Drum No Moog mettent en exergue ceux qui l'assombrissent (les nappes, la répétition, les mélodies exaltées) et réciproquement.

Ajoutons à cela un sens de l'urgence et une belle utilisation de la tension et l'on se retrouve avec un disque en permanence accaparant, y compris lors des rares passages qui convainquent un peu moins. Un maelstrom qui emporte tout, supérieur à Monomur, leur premier essai de 2011 dont on retrouve d'ailleurs deux remixes (signés respectivement Mr. Bios et Artaban) - exercice dont on sait à quel point il peut se montrer casse-gueule - mais qui, loin de nuire au propos, mettent en avant la qualité d'écriture qui inonde chaque morceau. Parfaitement intégrés à la tonalité générale, ils n'aplanissent ni le moog ni la drum et n'altèrent aucunement le climax. En outre, ils permettent de mesurer le bond en avant réalisé par le groupe. Moins de maths dans l'ensemble, moins d'éparpillement et plus de personnalité.

Désormais lui-même, No Drum No Moog.

Parfois drôle, souvent hypnotique, tout le temps exalté, il est incontestable que l'on tient en Documents Synthétiques un album en tout point réussi.

leoluce

mardi 21 octobre 2014

Deep & Dark Download of the Day : Aires / Rui P. Andrade / Earthly Beasts - Split


Immersions croisées pour ces trois Portugais adeptes d'un dark ambient oppressant et abstrait. Des trois, on connaissait surtout Rui Paulino Andrade, révélé par l'excellent Jerome Faria (l'intrigant 100421 sur notre compil' Elsewhere l'an passé, c'était lui) sur son label BRØQN avec l'énigmatique et insidieux Vessels en 2012. Tout en basses fréquences mystiques et capiteuses allant crescendo vers une résurgence de bruit blanc et de pulsations oscillantes, son Turdus Merula (le nom latin du Merle commun) à base de field recordings et de guitare manipulés est le climax sismique de cette triplette vouée à retranscrire l'irrésistible appel des ténèbres par delà l'espace et le temps.

Quant à Aires, fort d'un premier opus aussi magnétique que concis sorti l'hiver dernier sur le même netlabel Enough Records (dédié aux expérimentations de la scène ambient portugaise) qui édite le présent split, il ouvre l'album sur une transmission radio aux voix étouffées par un flot d'idiophones stridents, laissant au Lisboète Earthly Beasts le soin de conclure avec ses textures à combustion lente et ses beats indus clairsemés, sur un Erebus plus contrasté mais tout aussi minimaliste et pénétrant que ses prédécesseurs.


Télécharger Aires / Rui P. Andrade / Earthly Beasts - Split

samedi 18 octobre 2014

Deep & Dark Download of the Day : Hanetration - Murmurist EP


Parti en 2012 d'un Tenth Oar pour le moins poussif dans les effets que déployait son maelstrom mystique et décadent, on ne donnait pas cher d'Hanetration. Mais étoffant ensuite son univers, sur l'excellent Torn Heat, de beats neurasthéniques parfaitement accordés à ces nappes distordues flirtant avec l'hantologie, le Londonien est peu à peu sorti de la confidentialité, avec le mérite de n'avoir jamais sacrifié son éthique DIY et cette esthétique lo-fi finalement transfigurée par des compositions plus réfléchies. Deux ans plus tard, il continue ainsi de lâcher ses réalisations en libre téléchargement, de l'immersif mais un brin languissant Nae Troth avec ses 22 minutes de progression décatie jusqu'au lancinant (et très bon) Timelapse, climax narratif mêlant cordes ectoplasmiques, radiations insidieuses et pulsations ethno-indus, à base de sons trouvés, dans une atmosphère de désolation.

Comme du Boards of Canada période Geogaddi joué au ralenti (Wither) dont on aurait troqué les rythmiques downtempo contre une poignée d'idiophones poussiéreux (Sundown, intrigant et beau comme le rite funéraire de quelque minorité tibétaine oubliée), Murmurist poursuit donc le travail d'érosion spirituelle de ces quatre précédents formats courts. A l'œuvre, toujours cette même inspiration élégiaque et déliquescente (les drones de Morning aux allures d'harmonium vacillant) mais secouée cette fois d'étranges échos de groove ésotérico-somatique (Begin et ses crépitements organiques agencés en boucles abstraites ; les percus chamaniques de Fly) pour mieux mettre en valeur les errances transcendantales des morceaux plus ambient dont les textures gondolent et se liquéfient à vue d'œil. Fascinant.


Télécharger Hanetration - Murmurist EP

vendredi 17 octobre 2014

Deep & Dark Download of the Day : André Foisy - After The Prophecy EP


Avant le drone doom rampant vers le néant de son dernier album solo The End Of History paru au printemps chez TQA Records (label de l'excellent Thisquietarmy), André Foisy tentait de reconstruire sans pour autant s'abandonner à l'espoir d'un avenir meilleur sur cet EP, initialement sorti en cassette limitée sur son propre label Land of Decay en 2009, dont les invocations instrumentales itératives et saturées lâchent peu à peu la bride des Éléments, générateurs de vie, sur les déserts de cendres d'un monde dévasté.

Des motifs de guitare et de percus réverbérées d'un Great Disappointment dont la transe mystique semble tituber sous le poids de la fatalité, aux crins lancinants et autres larsens obsédants de l'épopée post-apocalyptique Call To Clarion: Flee That Flood qui n'est pas sans rappeler par son crescendo de tension pelée les grandes heures du Silver Mt. Zion d'avant Horses in the Sky, le Chicagoan échappé des doomeux Locrian préfigure quelque peu sa rencontre avec Oikos en transformant progressivement ses maelstroms minimaux et abstraits en méditation élégiaque sur l'amertume des prophéties déçues, pas loin de ce que font les Madrilènes de leur côté.

Bien que renaissantes, les mélodies de guitare claire sont ainsi condamnées à errer sans espoir de retour et ne faire écho qu'à elles-mêmes dans un no man's land kraut aux rythmiques sur le déclin. Bientôt, le changement attendu n'est plus qu'un rêve aux souvenirs flous et nous revoilà flottant dans l'éther, purs esprits dont l'incarnation ne fut qu'un éclair d'imagination.


Télécharger André Foisy - After The Prophecy EP

jeudi 16 octobre 2014

Siavash Amini - What Wind Whispered To The Trees


Sortie : 6 octobre 2014 | Label : Futuresequence

Après une cassette sortie en février dernier, Till Human Voices Wake Us aussi vaporeuse que réussie, l’Iranien Siavash Amini réalise un disque au titre non moins évocateur, What Wind Whispered To The Trees, paru chez les Anglais de Futuresequence

Si son goût pour les notes qui sonnent comme des gouttes légères embuées de halos de vapeur n’a pas faibli, son travail sur la consistance des textures et des nappes a développé une tournure nouvelle. Lestés d’une charge dramatique menaçante, les drones de guitare se sont étoffés de reverbs qui construisent à elles seules des monuments de matière vacillante. What Wind Whispered To The Trees prend pour thème deux romans de Dostoïevski, Les Démons et Les Frères Karamazov, et cette trame y est sans doute pour beaucoup dans cet assombrissement. A ce titre, le splendide morceau d’ouverture, The Wind, s’illustre en particulier, dressant des colonnes de fumée grondante, qui s’épanchent en un ciel maculé de suie. Une progression quasi épique fait intervenir au sein de ces émanations un fil mélodique aigu, lyrique, qui introduit imperceptiblement le violon douloureux de Nima Aghiani. La tension s’adoucira par la suite sans jamais se défaire de ce sentiment tragique, de cette impression funeste de faille, laissant planer l’attente du moment de la déchirure. 

Au delà de l’étoffe même des drones qui charpentent cet album, la beauté perçue doit beaucoup aux incursions néo-classiques auxquelles donnent lieu les méandres de cordes. Les grésillements viennent parfois moduler, à la façon d’un vibrato, les plages amples et graves que trace le violon. Plus tard, l’instrument gagne le premier plan, léchant la toile comme un pinceau hardi. L’équilibre, combinaison sobre mais si complexe, se créé alors entre l’élan noble et poignant des cordes, la pesanteur des bourdons de guitare et les mélodies opalines qui luisent en fond. Pour ne rien gâcher, le mastering du vénérable Lawrence English apporte à l’objet un grain inimitable. L’ambient de Siavash Amini est de ceux qui parlent, vibrent et font écho sur le champ, évoquant mille choses, recoins et  références que l’on touche du doigt sans chercher à les nommer. Influencé également par la philosophie, par Barthes, comme par l’Iran du Sud, le musicien n’en compose pas moins une musique aussi nébuleuse qu’équivoque, susceptible d’être absorbée et comprise sous l’angle de multiples sensibilités. Bulle introspective et substantielle, What Wind Whispered To The Trees est de ces cabanes haut perchées dans lesquelles on ne se recueille qu’en compagnie de la rumeur des bois. 

Manolito


mardi 14 octobre 2014

Tadash - Shadow Of Dreams


Date de sortie : 29 septembre 2014 | Label : Autoproduction

Shadow Of Dreams, premier titre incantatoire de cet album portant le même nom, suit une trajectoire insidieusement métamorphe et, d'emblée, balance crânement ses atouts sur le tapis de jeu : électronique pelée, post-punk patraque, drone liturgique et psalmodies habitées constituent l'ordinaire d'un album plutôt renfrogné. Un cri à peine plus audible qu'un murmure mais un cri quand même. Une rage contenue, une urgence contrariée qui se force elle-même à prendre le temps. C'est à la fois très sombre et très aéré. Une entame qui se charge de peupler le cerveau d'images mentales qui ne s'évaporeront qu'à la toute fin : nuances de gris et de noir dans les coins, des touches de blanc au centre, quelques ouvertures pour laisser passer un peu d'air et de la lumière, un contraste aveuglant qui force l'auditeur à plisser ses yeux pour espérer une quelconque mise au point. D'ailleurs, c'est souvent le flou qui prédomine. On arpente un chemin musical balisé de kerns anthracites érigés auparavant par - entre autres - The Cure (les basses arachnéennes et le moral dans les chaussettes), Joy Division (la voix étranglée, expulsée dans une urgence désespérée), Hood (la mélancolie pluvieuse qui se drape d'électronique) ou même Diabologum (les paroles parfois en Français sur fond d'arrangements pas vraiment guillerets) et, bien que constitué de raccourcis, le sentier se montre extrêmement sinueux. Pour avancer d'un mètre à vol d'oiseau, on en marche cinq. Le disque dépasse le cadre de sa stricte écoute par un jeu de réminiscences qui provoque l'étrange sensation d'être face à une musique que l'on connaît bien alors qu'en fait, on ne la connait pas. Faut-il attendre par-là que Tadash n'est qu'une réunion d'habiles faiseurs ? Évidemment non. Beaucoup trop à poil, beaucoup trop sincère, envoyant valdinguer hors de sa musique la moindre fioriture qui pourrait arrondir les angles, le duo se montre tel qu'il est : un peu de traviole, ses tripes entières dans ses morceaux égratignés au service d'un disque attachant et souvent beau. Il se tient exactement là où l'on voudrait qu'il se tienne, élégant et écorché, comme si le duo avait farfouillé sur nos étagères à la recherche des albums d'île déserte et en avait croqué la synthèse en quelques morceaux : si les accents sont familiers, c'est avant tout parce qu'ils nous parlent et surtout parce qu'on a l'impression qu'ils ne s'adressent qu'à nous.

Ainsi, des notes tintinnabulantes qui rythment parfaitement Commère La Mort aux nappes de synthétiseurs héritées de Carpenter qui soutiennent Toujours La Même Histoire, de Filature qui évoque Trisomie 21 égaré au beau milieu d'une cathédrale gothique à Creuser Ta Tombe, martial et contenu, le duo montre une multitude de visages et de personnalités : un pied en permanence dans le post-punk (la basse en avant), l'autre souvent ailleurs, Tadash ne se répète jamais tout en conservant la même humeur maussade. Les morceaux défilent mais diffèrent de ceux qui les suivent ou les précèdent. Dans le même temps, la scansion élégante d'un orgue de barbarie (le magnifique Ailleurs D'en Face) ou les notes suspendues dans les airs d'une guitare liquide associées au glas d'une cloche mortifère (Little Hope - Ouvrir Canal) s'évaporent peu à peu au profit d'une autre idée qui passe insidieusement devant, ce qui fait qu'à l'intérieur d'un même morceau, rien ne se ressemble non plus. À jouer ainsi au chat et à la souris, Tadash pourrait perdre le fil et perdre aussi l'auditeur mais non, ça n'arrive jamais. Bien qu'un brin dilettante, le duo sait ce qu'il veut et ce qu'il fait. "Un étant donné/Sur la plage/Les pieds dans la neige" avance-t-il d'ailleurs sur le dernier titre, parfait épilogue oxymore qui cultive le paradoxe dans ses paroles mais aussi ses arrangements en doublant les nappes inquiètes de cris incongrus, livrant par là même l'une des clés de sa musique. Poussières de dark ambient agrégées sur des gouttes de folk, drones sépulcraux enveloppant les cordes de la basse, field recordings agrémentant discrètement l'ensemble, Cyrod Iceberg et Clément Malherbe façonnent une sphère bien noire qui retient la lumière et plus sûrement notre attention. Alors, bien sûr, à explorer comme cela de multiples directions, il arrive qu'un morceau soit parfois en-dessous des autres - c'est d'ailleurs très subjectif (les nappes au début de Théorème En Grain ainsi que sa mélodie ne me convainquent pas des masses) - ou qu'une intention n'aille pas jusqu'au bout (on aurait aimé des guitares parfois plus mordantes) mais rien de bien méchant et rien qui n'entame la majesté de l'ensemble. D'autant plus qu'il s'agit-là d'un premier album (si on fait abstraction de l'EP dont trois titres sur quatre se retrouvent ici) et que la trajectoire de Tadash ne peut être qu’ascensionnelle.

Pour finir, Shadow Of Dream, "enregistré, mixé et mastérisé à la maison", montre un grain sonore qui lui sied parfaitement. On sent bien qu'un peu plus de rondeur et d'enrobage en aurait cassé le fragile équilibre en gommant les chausse-trappes et accidents qui donnent à Tadash tout son sel, le rendent si humain et touchant. Sec et pelé comme les morceaux qui le portent, l'album est un bloc catadioptre très cohérent. On tient-là quelque chose qui montre une belle personnalité et qui, par son goût de l'exploration et de la recherche inlassables, se montre particulièrement accaparant.

Chapeau bas.

leoluce


lundi 13 octobre 2014

Deep & Dark Download of the Day : Astral & Shit - Black


Petite infidélité à GV Sound pour cet album du Russe Astral & Shit édité par un autre label du cru, 1429 Records. En superposant cette fameuse figure équestre de Napoléon franchissant le col du Grand-Saint-Bernard à l'entame de sa deuxième campagne d'Italie (qui opposera notamment la République Française aux troupes russes du feld-maréchal Souvorov) avec les buildings d'une métropole du XXIème siècle sous une nébuleuse étoilée, Ivan Gomzikov replace quelques siècles d'histoire terrestre à l'échelle d'un grain de poussière dans l'infini des cieux, tout à faire la même impression d'insignifiance dans le grand néant noir du cosmos qu'évoquent les vortex de drones magnétiques des quatre pistes-fleuves de 20 minutes chacune composant ce Black à l'aura radiante et démesurée.

Plus profond dans ses textures et dense dans ses harmonies aux allures de liturgie cosmogonique que son successeur Wild Circus dont on parlait hier, l'album impressionne par sa dynamique complexe et ininterrompue, scintillant de mille fourmillements célestes sur le parfait Exoskeleton tandis qu'en contrebas le gigantesque tsunami de gaz et de débris d'une bombe nucléaire à combustion lente avale kilomètre après kilomètre d'un paysage soufflé sur son passage, faisant table rase pour une nouvel ère de communion avec les forces mystérieuses qui régissent l'univers (Drowning Sword). Reste à vous accrocher sur 80 minutes d'un disque en apparence statique jusqu'à ce que l'immersion fasse son effet et que le monolithe dévoile son jeu de miroirs abyssal (cf. le vertigineux Huntsman).


Télécharger Astral & Shit - Black

dimanche 12 octobre 2014

Deep & Dark Download of the Day : Astral & Shit - Wild Circus


Chose promise chose due, on reprend notre exploration des sorties récentes du netlabel russe GV Sound, et ça passe forcément par la tête de gondole Astral & Shit, droneux bien connu de nos lecteurs (également via notre compil' Transmissions from the Heart of Darkness et son 5ème volet Elsewhere pour lequel le natif de Neviansk avait composé l'an passé l'inédit Russia God) et qui délivre une fois par mois, bon poids, le genre d'album dont sont friands les insomniaques en quête de rêveries éveillées où noyer leurs sens anesthésiés.

Allez savoir pourquoi un titre en japonais sur la pochette alors que les noms des morceaux sont en latin comme à l'accoutumée, pourquoi Wild Circus alors que le disque déroule ses nappes de drones contemplatifs, empreints de foi et d'angoisse du néant, avec une lenteur consommée. Autant de mystères demeurant sans réponse à l'écoute des longues pistes vaporeuses aux fluctuations harmoniques ultra-minimalistes auxquelles Ivan Gomzikov convie l'auditeur à s'abandonner sur la durée pour en goûter toute la profondeur, entre extase éthérée et soubassements crépusculaires dont les grondements des nuages lourds prennent peu à peu le pas sur la spiritualité.


Télécharger Astral & Shit - Wild Circus

jeudi 9 octobre 2014

Deep & Dark Download of the Day : FWF - Skeptics


Troisième référence de son propre label Sunruin Records qui semble verser un peu plus à chaque nouvelle sortie dans le sombre et l'expérimental, Skeptics fait suite au déjà impressionnant Incipit Contradictio EP de février dernier et nous plonge encore plus avant dans l'univers évocateur et ténébreux de Fabien W. Furter, échappé des stoner-doomeux Wheelfall qu'avait révélés l'an passé cette même écurie et récemment rallié à la cause du death metal bluesy et blackisant de Phazm. Parvenant à l'image de The Haxan Cloak ou Demdike Stare à mêler l'abstraction des rythmiques post-industrielles aux fantasmagories cinématographiques du dark ambient façon Miasmah, le Nancéien a fait ses armes au conservatoire et en met à profit une certaine rigueur dans la composition qui lui permet de construire de véritables histoires sans images, les apports mesurés d'un violoncelle anxiogène et d'un piano funeste accentuant cette impression de bande originale imaginaire.

Capable de révéler la mystique des corps en putréfaction (ces bourdonnements morbides des diptères qu'on aurait volontiers imaginés chez Pharmakon), de sonder le mystère des trous de vers (reste à savoir lesquels, de vers...) et de sonner le glas du genre humain dans un même mouvement, FWF se réclame de Nietzsche et de Burroughs mais finit surtout par sonner comme le Lovecraft du dark ambient, pour cette interpénétration de l'ancien et du moderne (on entend aussi bien du glitch et de l'indus que du classique contemporain sur Devotion, à la croisée des tourments liturgiques de Ligeti, des nappes de synthés épurées d'Eno, de la tension minimaliste et angoissante de John Carpenter, du lyrisme post-goth évanescent de Trent Reznor et des affleurements saturés de Ben Frost), mais également du viscéral et du savant, de l’ésotérique et du monstrueux, de l'élégant et du grouillant. Captivant !


Télécharger FWF - Skeptics

dimanche 5 octobre 2014

Deep & Dark Download of the Day : Paul Minesweeper - Fall


Après Item Caligo, on continue d'ausculter la scène drone ambient russe et le netlabel GV Sound avec cette troisième sortie de l'année de Paul Minesweeper aka Pavel Mineev, soundscaper de Saint-Pétersbourg dont les précédentes réalisations sont en écoute ici.

Mêlant nappes extatiques et basses fréquences plus ténébreuse voire orageuses, le Russe revendique via un artwork de plus en plus futuriste et abstrait la dimension sci-fi résolument crépusculaire de ses compositions, évoquant l'obscurité sans fin et le spleen baigné de néon d'un Blade Runner. Comme sur le plus "léger" Fractal Consolation dont ce Fall est la suite directe, le drone de Paul Minesweeper se décline en itérations symétriques, ces fameuses figures fractales qui donnent leur nom à la série et dont le vortex vaporeux de motifs mélodiques en miroir et d'harmonies géométriques crée une sensation de doux vertige compensant aisément le manque d'aspérités voulu par ce parti-pris esthétique.


Télécharger Paul Minesweeper - Fall

samedi 4 octobre 2014

Deep & Dark Download of the Day : Item Caligo - Taedet


Notre récent coup de cœur pour le post-rock des Russes Rec008 nous aura remis sur la piste du très bon netlabel GV Sound, que l'on suivait surtout de loin pour les sorties d'Astral & Shit, pensionnaire de notre compilation Elsewhere. Avant de revenir plus amplement la semaine prochaine sur la discographie récente de ce dernier, pléthorique et souvent fascinante pour peu d'aimer le genre de drone minimaliste aux accents liturgiques dont la beauté se dévoile sur la durée de morceaux-fleuves dont les harmonies évoluent avec une lenteur consommée, intéressons-nous aujourd'hui à un autre compatriote du stakhanoviste de Neviansk, un certain Sergey Epifanov basé quant à lui à Volgograd, dans le Sud-Ouest du pays.

Pas vraiment en reste en terme de productivité avec une petite dizaine de sorties en trois ans, dont les deux premières sur le label Someone Records de l'excellent r.roo, celui qui compose sous l'identité d'Item Caligo privilégie les atmosphère feutrées d'une ambient au ton grave et solennel dont les field recordings, contemplant d'abord la nature et le chant des oiseaux pour laisser place, sur un morceau-titre aux nappes synthétiques presque hantologiques, aux suintements de l'eau dans un souterrain et aux plaintes d'un homme en souffrance, semble évoquer l'isolation et la privation de liberté. Dominée par un piano au spleen neurasthénique dont sourde une profonde tristesse embrassée sans ostentation, Taedet ("Je m'ennuie" en latin) n'est pas sans rappeler les travaux de Leyland Kirby sous son alias The Caretaker ou du temps de l'album Sadly, The Future Is No Longer What It Was, pour ce dépouillement élégiaque appelant la mort comme une délivrance de l'inadaptation, de l'apathie et de la dépression.

Beau disque, à condition bien sûr d'être d'humeur...


Télécharger Item Caligo - Taedet

vendredi 3 octobre 2014

Deep & Dark Download of the Day : Close Encounters Of The Holocaust - The Doors To The Holocaust


On vous le disait pas plus tard qu'hier, le Portugais André Consciência, pensionnaire de notre compil' Elsewhere l'année dernière avec un morceau particulièrement déstabilisant de son projet phare Babalith, fait partie de ces besogneux artisans de l'ombre -  aux deux sens du terme - que l'on ne quitte jamais longtemps des yeux. Après God's Sleeping Disorder, le revoici donc au sein de Close Encounters Of The Holocaust, projet qui l'associe à ses compatriotes Aeternum X et Sid Suicide et qui nous avait livré dans l'an passé une liturgie doom saisissante sur EP, marchant sereinement vers l'apocalypse au son des chœurs antéchristiques et des grondements saturés.

Toujours bien camouflées sous une pochette au rouge baveux évoquant les rivières de sang auxquelles on espère échapper une fois passé de l'autre côté, les prophéties ritualistes de ce second EP annoncent dans la continuité l'imminence du jugement dernier, des signes avant-coureurs aux cendres des anges exterminateurs qui recouvriront notre terre désolée une fois le carnage accompli. C'est ce parti-pris fataliste qui justifie de reléguer aux deux derniers morceaux du disque la représentation musicale - pulsations harsh et synthés apocalyptiques - de cette fin des temps commune à bien des religions. Car des vocalises presque ensorcelantes de l'Ange de la Mort aux drones de désolation étrangement olympiens d'une punition par la faim et par la privation en passant par le manifeste flippant d'Against Humanity martelant à la face de l'Homme la justification de la purge à venir par une allégorie de ses conflits passés, The Doors To The Holocaust est avant tout l'histoire d'un retour de bâton craint autant qu'attendu, une métaphore qui sait de cette rétribution de l'ordre naturel des choses dont nous posons jour après jour les fondations en nous couvrant les yeux.


Télécharger Close Encounters Of The Holocaust - The Doors To The Holocaust / Lire notre interview d'André Consciência

jeudi 2 octobre 2014

Deep & Dark Download of the Day : God's Sleeping Disorder / Obscvrii Lvnae - Split


Avec ses airs de pastiche empaillé de la Création d'Adam par Michel-Ange, la pochette de ce split entre le Lisboète André Consciência aka God's Sleeping Disorder et son compatriote Obscvrii Lvnae se joue de nos fantasmes de filiation divine aussi sûrement que les sonorités parfois cheap de cet album d'un autre temps, des synthés ouvrant Rabbit Howls à ceux qui évoquent sur The Starless Night In Autumn la BO d'un anime japonais ou d'un jeu vidéo des années 80, en passant par les distos de château hanté de l'étonnante reprise hypnagogique de Cradle Of Filth, One Final Graven Kiss.

Au doom ambient mystico-folklorique émaillé d'étranges beats pulsés de celui dont on suit de près les sorties en tant que Babalith ou encore Monte 6 - et qui compile pour l'occasion ses travaux d'avant l'arrivée du guitariste black metal Lino Mateus dans le projet, pour l'EP Faeries Of The Chasm dont on parlait ici - répond donc la darkwave gothique et shoegazeuse de l'ex black metalleux Obscvrii Lvnae. D'un côté comme de l'autre, les mélodies sourdent d'une candeur surannée (le vibraphone d'I See The Dead Sea chez GSD, les claviers d'Obedience And Emptiness pour OL), et si certains morceaux optent ouvertement pour le côté obscur (le minimalisme rampant d'After The Rain Of Fire Has Fallen, les plaintes gutturales de l'écrivain Daniela Sophia sur The Dead Wonder), la noirceur ésotérique prend sur d'autres des allures de voyages intérieurs qui emmènent très loin (Conquest Of Paradise, reprise drone onirique de Vangelis aux faux-airs de Steve Roach ; le train dans la nuit du carillonnant Eternal Guilt, Too Late For That Apology!).