Date de sortie : 11 avril 2013 | Autoproduction
Un puissant système audio ne saurait embellir un son pareil. Là où beaucoup tendent à aseptiser les déjections électriques de leurs instruments, Brame n’en a tout simplement rien à faire. De vieux écouteurs trouvés dans une poubelle rongée par les années pourraient amplement suffir pour optimiser son écoute. Des instruments fabriqués à la main, faits de vieux débris trouvés ci et là, raccommodés au gros scotch, jonchés de poussière et de résidus rocailleux en tout genre. Des amplis au bord de l’implosion, des cordes qui frôlent la rupture. C’est ce qui frappe d’emblée lorsque les premières «notes» entrent en jeu. C’est également un amateurisme flagrant, fruit d’une musique qui semble pleinement improvisée mais jamais réellement domptée, qui saute aux yeux. Tel un équidé pris de folie, imprévisible, dangereux. Et pourtant. Une musique de cow-boys aux traits lourds, pour qui les décennies passées au milieu des étendues jaunâtres, arides et quasi-désertes ont fini d’user leur corps. Un lieu insalubre, sorte de baraquement presque effondré, où murs porteurs et poutres vacillent au moindre éternuement. Le sol craque, grince même, sous la force des coups de pieds, en rythme. Nous plissons les yeux, nous-mêmes, face à une telle violence infligée à nos oreilles. Et pourtant.
Une figure qui ne tient pas à être appréciée, admirée, aigrie par ses années de labeur au service d’une récolte dorée pour le moins ridicule. Un vieux con pour qui les seuls centres d’intérêts se résument à mâchouiller la paille et lâcher des glaviaux sur les seuls êtres égarés près de sa propriété, alors que la pendule résonne, résonne, dans cet habitat insalubre (Malebête). Il s’agit là de blues-rock... à ce qu’il paraît. Et pourtant, nous avons affaire à bien plus que ça. Car Brame n’en a strictement rien à faire des étiquettes, écorchant ses instruments avec nonchalance, transcendant les styles et leurs us et coutumes avec autant de je-m’en-foutisme. Cette guitare saturée, omniprésente, interpelle par son charisme, sa monumentale force de caractère, aussi mal accordée et défraîchie soit-elle. Les cordes semblent flotter, se percuter à chaque grattement de médiator. À la manière d’une voix rauque , transformée à petit feu par un tabagisme intense, chaque vibration se fait entendre. Les voix, parlons-en. Point de textes à proprement parler ici. Des cris, étouffés mais bien palpables, habités. Habités d’un terrible effroi, d’une certaine rage, d'une folie certaine. Les mots ne se distinguent plus, seul le sentiment demeure. Un sentiment qui glace le sang. Défiances en devient assurément le summum, l’harmonica en toile de fond n’aidant pas plus à nous rassurer. C’est ce même morceau qui vient alors scinder l’album en deux, laissant place à des titres plus atmosphériques, notamment parcourus de field recordings (Démolitions).
Brame signe ici un album très singulier, mais qui excelle dans ses approximations. Un râle continu, quarante minutes durant, mis en musique au travers des différents effets adjoints. Les deux Français ne sont certes pas des musiciens hors pairs, mais captivent leur auditoire, avec la plus grande indifférence. Car dans ce brouhaha électrique cuit à point, tout semble fonctionner, sans que l’on puisse foncièrement comprendre comment c’est possible. Mais le fait est là, La nuit, les charrues... est une tuerie. Difficile d'en dire plus.
Vivement recommandé.
Inoui
Excellent, merci.
RépondreSupprimerAvec plaisir!
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