Feuille morte sépia sur fond gris clair ? Papier de soie en très gros plan sous loupe binoculaire ? Allez savoir. En tout cas, c'est élégant. Et très approprié. À l'image d'un disque dont on a bien du mal à définir les contours, réservant bon nombres de fulgurances mélodiques cernées par une grande sécheresse. Parfois, ça guinche aussi. Un curieux mélange. Capable de frôler le triste monde de la musique d’ascenseur, ce qui heurte, tout en faisant naître une mélopée à tomber, ce qui ravit. Shatterbox, deuxième titre, en est la parfaite illustration : le saxophone ténor portant le morceau est bien trop sirupeux mais participe à l'édification d'une superbe ossature électroacoustique qui, sans lui, n'aurait pas le même éclat ni la même saveur. Dès lors, quelque chose de contradictoire se crée à la naissance des oreilles qui tient tout autant de l'adhésion que de la répulsion. People Do ne peut donc laisser indifférent. Plus loin, Dorothea I endosse les oripeaux d'une ambient minimaliste égrenant ses notes de piano avec parcimonie. Ce n'est pas nouveau, certes, mais c'est tellement bien fait que John Lemke se fend d'un Dorothea II quelques titres plus loin venant enrichir ce premier chapitre. Il en résulte un diptyque très court mais aussi très profond qui résonne tout prêt des souvenirs que Ryuichi Sakamoto et Alva Noto ont semés dans la boîte crânienne. Un diptyque qui frappe surtout par le silence qui l'habite, tranchant avec d'autres morceaux au paradigme bien différent. C'est que la diversité fait partie intégrante de People Do, bien que le ton général soit homogène. Un ton mélancolique et contemplatif mais aux nombreuses nuances. L'ouverture est ainsi plutôt primesautière et légère, End Of Endless ne laisse aucunement présager de la suite, qu'il s'agisse de Shatterbox, plus renfrogné ou de The Air Between, bien déconstruit. Et il en va ainsi de l'ensemble du disque qui, d'une piste à l'autre, expose une facette du talent de John Lemke, à l'aise partout (ambient, IDM, trip-hop, musique concrète, et cætera), avec n'importe quoi (piano, guitares, ustensiles de cuisine, saxophone ou encore processeurs).
Compositeur et producteur de Glasgow, People Do est son premier disque et fait preuve d'un aplomb assez déconcertant. Il faut dire aussi qu'il n'est pas vraiment inexpérimenté, ayant composé des scores de documentaires pour la BBC ou Channel 4 et que l'on peut donc raisonnablement penser qu'il sait comment s'y prendre pour illustrer, suggérer, accompagner les images et les émotions. La grande nouveauté c'est qu'ici il en est à l'origine et que ces dernières sont avant tout mentales, bien cachées derrière les yeux. Il en résulte un disque dense, un éventail d'ambiances présentant des différences de matité subtiles, parfois dansant, parfois enveloppant, parfois anecdotique aussi (mais c'est assez rare) et tout le temps élégant. On aime s'y perdre totalement ou pratiquer une écoute morcelée, s'arrêtant ici et reprenant là. Quoi que l'on fasse, on s'y sent bien et on se dit en permanence que tout cela est foutrement bien construit. Car avec ses airs de ne pas y toucher, People Do fait preuve d'une grande maîtrise. On n'écrit pas des morceaux de la trempe de When We Could ou de Ivory Nights par hasard. On sent bien toute la réflexion, la recherche, les accidents et les plantages à l’œuvre derrière ce premier album. Créé, enregistré, produit de 2011 à 2012, entre Glasgow, Berlin, Bristol et Helsinki, avec des field recordings en provenance de ces mêmes villes mais aussi de Brandebourg et Salvatierra de Tormes, le côté cosmopolite et maîtrisé s'explique clairement. Fureteur, curieux, balançant la même rigueur dans toutes les pistes explorées, People Do est un kaléidoscope, légèrement plombé certes, mais à tel point cohérent que toutes les oreilles devraient y trouver leur compte à un moment donné. Et puis, cette façon d'être en permanence sur le fil, de se tenir pile sur la frontière ténue entre trop et juste assez, apporte une dimension supplémentaire à une musique que l'on pourrait croire passe-partout de prime abord mais qui est, au final, parfaitement équilibrée. Un saxophone langoureux contrebalancé par une mélodie renversante, une mélodie trop évidente contrecarrée par une dentelle électronique renversante, dès que People Do s'éloigne de sa subtilité, John Lemke arrive à l'y ramener.
Denovali ne s'y est pas trompé. Toujours dans les bons coups dès qu'il s'agit d'allier errance et exigence, People Do ne pouvait s'envisager ailleurs que sur ce label-là. Quoi qu'il en soit, pour un premier album, on n'est vraiment pas loin du coup de maître, tout à côté, tout contre.
Compositeur et producteur de Glasgow, People Do est son premier disque et fait preuve d'un aplomb assez déconcertant. Il faut dire aussi qu'il n'est pas vraiment inexpérimenté, ayant composé des scores de documentaires pour la BBC ou Channel 4 et que l'on peut donc raisonnablement penser qu'il sait comment s'y prendre pour illustrer, suggérer, accompagner les images et les émotions. La grande nouveauté c'est qu'ici il en est à l'origine et que ces dernières sont avant tout mentales, bien cachées derrière les yeux. Il en résulte un disque dense, un éventail d'ambiances présentant des différences de matité subtiles, parfois dansant, parfois enveloppant, parfois anecdotique aussi (mais c'est assez rare) et tout le temps élégant. On aime s'y perdre totalement ou pratiquer une écoute morcelée, s'arrêtant ici et reprenant là. Quoi que l'on fasse, on s'y sent bien et on se dit en permanence que tout cela est foutrement bien construit. Car avec ses airs de ne pas y toucher, People Do fait preuve d'une grande maîtrise. On n'écrit pas des morceaux de la trempe de When We Could ou de Ivory Nights par hasard. On sent bien toute la réflexion, la recherche, les accidents et les plantages à l’œuvre derrière ce premier album. Créé, enregistré, produit de 2011 à 2012, entre Glasgow, Berlin, Bristol et Helsinki, avec des field recordings en provenance de ces mêmes villes mais aussi de Brandebourg et Salvatierra de Tormes, le côté cosmopolite et maîtrisé s'explique clairement. Fureteur, curieux, balançant la même rigueur dans toutes les pistes explorées, People Do est un kaléidoscope, légèrement plombé certes, mais à tel point cohérent que toutes les oreilles devraient y trouver leur compte à un moment donné. Et puis, cette façon d'être en permanence sur le fil, de se tenir pile sur la frontière ténue entre trop et juste assez, apporte une dimension supplémentaire à une musique que l'on pourrait croire passe-partout de prime abord mais qui est, au final, parfaitement équilibrée. Un saxophone langoureux contrebalancé par une mélodie renversante, une mélodie trop évidente contrecarrée par une dentelle électronique renversante, dès que People Do s'éloigne de sa subtilité, John Lemke arrive à l'y ramener.
Denovali ne s'y est pas trompé. Toujours dans les bons coups dès qu'il s'agit d'allier errance et exigence, People Do ne pouvait s'envisager ailleurs que sur ce label-là. Quoi qu'il en soit, pour un premier album, on n'est vraiment pas loin du coup de maître, tout à côté, tout contre.
leoluce
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