vendredi 2 mars 2012

A Native Hundred - Down To Your Hairs


Date de sortie : 20 février 2012 | Label : Decorative Stamp

Pour une fois, on sortira des ornières pour aller voir ailleurs si l’herbe est plus verte. Le disque qui nous intéresse ici n’est pas franchement expérimental, ni dramatiquement sombre, ni quoi que ce soit qui pourrait correspondre aux quelques albums chroniqués au-dessous. Non, ce disque-là est fait de bouts de ficelle, de quelques cordes de guitare en bois ou amplifiée et on y trouve de beaux textes en anglais qui parlent de mal-être, d’ours, de lapins et même de loup-garou avec un soupçon d'ironie douce-amère. Bon évidemment, chassez le naturel et cætera... il est aussi assez triste, voire franchement désespéré et dans sa façon d’œuvrer dans le mélange des genres tout en étant très sec et minimaliste, il devient tout à fait naturel d'en parler ici. Et puis, pour ne rien gâcher, il s’avère être absolument superbe.

Premier disque de l’entité A Native Hundred, Down To Your Hairs, après une courte introduction qui pose idéalement les bases des atmosphères à venir, entre directement dans le vif du sujet dès son deuxième morceau, Bear Trap, amalgame à peine stabilisé d’une mélodie qui se ruban-adhésive très fortement au cortex et d’arrangements mêlant dans un même élan claviers sombres, voix légèrement fatiguée, percussions sèches et guitares amplifiées. Un morceau formidable qui n’est pourtant pas l’arbre qui cache la forêt puisque tous ceux qui le suivent sont du même tonneau, l’évidence mélodique et l'immédiateté un poil en-dessous sans doute mais à tel point bucoliques et immersifs que l’on aura bien du mal à remplacer ce disque quand on l’aura usé jusqu’à la corde, d'autant plus que, bien sûr, tant de simplicité fait que l'on n'est pas près de l'user. 

On le doit à une seule et même personne, Rhys Jon Baker, membre de Wild Dogs In Winter (quintette londonien mélangeant allègrement shoegaze délétère et post-rock véloce) et poète à ses heures. Seul, mais tout de même épaulé par Jamie Romain au violoncelle et Nadia D'Alò aux claviers, James Reindeer se chargeant quant à lui de la boîte à rythmes et de la production. Trois noms bien connus pour qui connaît Decorative Stamp, label fureteur s'il en est qui se montre aussi à l'aise dans le hip-hop déviant que la folk barrée et qui peut s'enorgueillir d'une belle référence de plus dans son catalogue déjà parfaitement remarquable en soi. Alors oui, le violoncelle fait des merveilles, ouvre idéalement le déchirant Chinchilla qui rappelle de loin les complaintes de Robin Proper-Sheppard à l'époque du premier Sophia (Fixed Water pour ne pas le nommer), le même dénuement, la même tristesse atavique et décuplée par la simplicité de l'ensemble.

Aucun risque qu'une nappe trop appuyée vienne vous glisser dans le creux de l'oreille que c'est là, maintenant, tout de suite, qu'il faut verser une larme ou que les guitares s'amusent à sonner l'Adieu aux armes, tout est trop ténu et sans fioritures, la musique à tel point sincère qu'elle ne se paie pas de mots. Sans artifices donc et suffisamment bizarre pour éviter que le pathos ne montre sa sale gueule, en particulier lorsque les field recordings, discrets mais marquants ou les samples de voix tirées d'on ne sait trop où rehaussent les guitares, elles mêmes devenant joliment saturées sans que l'on s'y attende vraiment (We Are Hope), sans oublier certaines interventions du violoncelle qui aime de temps en temps tailler la route et se lancer dans des divagations faussement fausses. Tous ces accidents et approximations ponctuant le disque suffisent à le rendre habité et vibrant et c'est en partie de là que vient sa réussite.

Dès les premières mesures, sa sincérité vous saute au visage, Bear Trap, All The Fucking Best, Alice, Jooga Bone, Reds And Blues ou encore We Are Hope, un chapelet de morceaux magnifiques qui provoquent pas mal de frissons et poussent à réitérer son écoute, inlassablement, encore et encore. Sans compter tous ceux qui ne sont pas cités ici et même si la tentation est grande, inutile de détailler la tracklist de toute façon. Sachez simplement qu'une fois happé, ces morceaux somme toute déglingués, n'hésitant pas à se parer d'atours lo-fi tout en étant parfaitement produits, progressant de beats ténus et carrés en nappes fantasmatiques, de guitares parfois légèrement surexposées en silences habités aux poussières de vie, deviennent la bande-son idéale de cet hiver agonisant. Dans le même temps, l'atmosphère ciel de traîne qui les recouvre, tout à la fois particulière et accueillante, est si enveloppante que l'on sent bien qu'ils nous toucheront et nous accompagneront encore longtemps. Down To Your Hairs, sous ses dehors de grande simplicité, montre une réelle profondeur qui en fait un classique instantané bâti pour durer. Decorative Stamp commence donc l'année comme il avait terminé la précédente, dans la qualité et l'originalité. Gageons qu'un tel disque puisse les sortir de la confidentialité.

Au programme, du spleen et des larmes, des mélodies et des mots comme seul crédo.

Que l'on peut écouter ci-après qui plus est.

leoluce


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