lundi 3 septembre 2012

Papillons de la guerre - Waiting For Liia


Date de sortie : 22 août 2012 | Label : Someone Records

Papillons de la guerre, avec un avatar pareil - et même si cela sonne bien - l'individu planqué derrière ne peut être français. Effectivement, Kirill Makarov vient de Kiev. Gravitant autour de la scène électronique du coin, l'homme a été amené à collaborer avec r.roo autour d'un album, Winter People. C'est maintenant son premier essai personnel qui sort sur Someone Records, maison dudit Ruga Roo, de Sitreus Ramirez et de Ivan Gomzikov aka Astral & Shit, à qui l'on doit d'ailleurs l'excellent Subtile Corpus sorti plus tôt dans l'année. Si ce jeune netlabel se dédit largement à ce que l'ambient et l'IDM ont de plus sombre, l'individu Makarov insuffle sa part de rock convulsif à un paysage électronique déjà riche.

Electronique et post-rock n'ont pas attendu Waiting For Liia pour s'agréger. Malgré tout, l'alliage confectionné sort quelque peu des schémas usuels, élégiaques, parfois mielleux. Ce très court album condense le glitch et les saturations noisy en un même substrat, les confronte et les enjoint à se mettre sur la gueule. La teneur mélodique n'est pas en reste. Des breaks et des soubresauts émergent des séquences harmonieuses, fruits de piano et de guitare. Si le registre est à l'urgence et à l'électricité malsaine, Papillons de la guerre ne néglige pas les respirations, esquissant des introductions cristallines et douces qui amènent et décuplent les brouillards grisants qui leur succèdent. La courte durée de l'album, composé de six titres et de deux interludes, avive l'impérieuse tension qui y règne. Waiting For Liia semble fait d'un matériau froid, de neige et de vide. Un vide qui s'animerait sous l'impulsion brûlante de rage en combustion.

L'impression est immédiate, la production, remarquable, mais sans être inégal, l'objet n'exclue pas pour autant de légères imperfections. Les ficelles du premier titre ne font pas dans la discrétion : arpèges de piano, beat froissé et euh, arpèges de piano. Mais le traitement du sujet gagne très vite en matière. Une fois passée la mélodie flottante du premier interlude, Birdskull, le morceau éponyme pose ses fondements avec lenteur. Ténu, le piano ourle la rumeur des cordes, un break souple lie ensemble les éléments. Puis les drums s'échauffent, les riffs renversent et saccagent l'initiale délicatesse. On ne pourra dire qu'on ne les a pas sentis venir. Pièce centrale, Everything Could Be Ok maintient le voltage. La scission entre le post-rock et une certaine forme d'IDM n'est plus expressément signifiée. L'un ne succède pas à l'autre, la guitare dirige l'hypnose tandis que la rythmique creuse des brèches et impose à votre estomac un petit looping dans chaque anfractuosité. A nouveau, Death Is A First Condition Of Immortality débute sur des notes claires. Jusqu'ici tout va bien, mais ce serait sans compter les uppercuts saturés et les histoires forcément moribondes que déclame une voix masculine en russe. Le mur de son prend forme, le bordel noisy est à son comble. Un battement plus tard, on admet que ce qu'on écoute là tue tout, il n'y a pas à finasser. Le conclusif Light ne s'embarrasse plus de fioritures électroniques et suinte le psyché à grosses gouttes toxiques. On penserait même à The December Sound, c'est dire.

Avec Waiting For Liia, Papillons de la guerre propose quelque chose de sérieux. Brut et ciselé, l'album pourvoit des sentiments ambigus et de furieuses envies de s'y abandonner. On se surprend à y revenir et à y revenir encore. Disponible en donation libre chez Someone Records.

Manolito

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