Date de sortie : 22 août 2012 | Label : Someone Records
Papillons de la guerre, avec un avatar
pareil - et même si cela sonne bien - l'individu planqué derrière
ne peut être français. Effectivement, Kirill Makarov vient de Kiev.
Gravitant autour de la scène électronique du coin, l'homme a été
amené à collaborer avec r.roo autour d'un album, Winter People.
C'est maintenant son premier essai personnel qui sort sur Someone Records, maison dudit Ruga Roo, de Sitreus Ramirez et de Ivan
Gomzikov aka Astral & Shit, à qui l'on doit d'ailleurs
l'excellent Subtile Corpus sorti plus tôt dans l'année. Si ce jeune
netlabel se dédit largement à ce que l'ambient et l'IDM ont de plus
sombre, l'individu Makarov insuffle sa part de rock convulsif à un
paysage électronique déjà riche.
Electronique et post-rock n'ont pas
attendu Waiting For Liia pour s'agréger. Malgré tout, l'alliage
confectionné sort quelque peu des schémas usuels, élégiaques,
parfois mielleux. Ce très court album condense le glitch et les saturations
noisy en un même
substrat, les confronte et les enjoint à se mettre sur la
gueule. La teneur mélodique n'est pas en reste. Des breaks et des
soubresauts émergent des séquences harmonieuses, fruits de piano et
de guitare. Si le registre est à l'urgence et à l'électricité
malsaine, Papillons de la guerre ne néglige pas les respirations,
esquissant des introductions cristallines et douces qui amènent et
décuplent les brouillards grisants qui leur succèdent. La courte
durée de l'album, composé de six titres et de deux interludes,
avive l'impérieuse tension qui y règne. Waiting For Liia semble
fait d'un matériau froid, de neige et de vide. Un vide qui
s'animerait sous l'impulsion brûlante de rage en combustion.
L'impression est immédiate, la
production, remarquable, mais sans être inégal, l'objet n'exclue
pas pour autant de légères imperfections. Les ficelles du premier
titre ne font pas dans la discrétion : arpèges de piano, beat
froissé et euh, arpèges de piano. Mais le traitement du sujet gagne
très vite en matière. Une fois passée la mélodie flottante du
premier interlude, Birdskull, le morceau éponyme pose ses fondements
avec lenteur. Ténu, le piano ourle la rumeur des cordes, un break
souple lie ensemble les éléments. Puis les drums s'échauffent, les
riffs renversent et saccagent l'initiale délicatesse. On ne pourra
dire qu'on ne les a pas sentis venir. Pièce centrale, Everything
Could Be Ok maintient le voltage. La scission entre le post-rock et
une certaine forme d'IDM n'est plus expressément signifiée. L'un ne
succède pas à l'autre, la guitare dirige l'hypnose tandis que la
rythmique creuse des brèches et impose à votre estomac un petit
looping dans chaque anfractuosité. A nouveau, Death Is A First
Condition Of Immortality débute sur des notes claires. Jusqu'ici tout
va bien, mais ce serait sans compter les uppercuts saturés et les
histoires forcément moribondes que déclame une voix masculine en
russe. Le mur de son prend forme, le bordel noisy est à son comble.
Un battement plus tard, on admet que ce qu'on écoute là tue tout,
il n'y a pas à finasser. Le conclusif Light ne s'embarrasse plus de
fioritures électroniques et suinte le psyché à grosses gouttes
toxiques. On penserait même à The December Sound, c'est dire.
Avec Waiting For Liia, Papillons de la
guerre propose quelque chose de sérieux. Brut et ciselé, l'album
pourvoit des sentiments ambigus et de furieuses envies de s'y
abandonner. On se surprend à y revenir et à y revenir encore.
Disponible en donation libre chez Someone Records.
Manolito
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