Date de sortie : 22 octobre 2012 | Label : Alrealon Musique
Alors que la mystique de The Pursuit Of Salvation résonne encore dans notre boîte crânienne, John 3:16 ressort son évangile et s'apprête une nouvelle fois à marcher sur l'eau. Et une nouvelle fois, je le suis les yeux fermés. D'autant plus que, soyons franc, le propos ici n'est guère d'interpréter le message prêté à Dieu, sa vie, son œuvre. Foin d'herméneutique. À lire les titres de chaque morceau, on voit bien que John 3:16 ne nous adresse rien d'autre qu'un carnet de voyage, quand bien même ce dernier ne serait qu'intérieur. Après tout, qu'ils fassent référence aux cieux où aux limbes, ses instrumentaux largement contemplatifs et franchement superbes semblent avoir subi le même traitement avec la même rigueur, avoir fait l'objet du même soin quasi-maladif dans la superposition de strates de sons. Le disque n'est ainsi jamais manichéen avec d'un côté une poignée de titres lumineux censés représenter le Bien et de l'autre, leurs négatifs glauques et poisseux en provenance directe de l'antre de la Bête. Le message de Philippe Gerber n'est pas si simple et si l'on peut distinguer des poussières de clarté au creux de Fall Of The Damned, des gemmes bien plus sombres peuplent dans le même temps God's Holly Fire. Le message se brouille et pousse l'auditeur à abandonner toute tentation bêtement interprétative, toute recherche de sens. Dès lors, le cerveau entièrement dirigé vers la musique, le disque nous happe pour ne plus jamais nous relâcher et maintient même son étreinte longtemps après que les dernières notes se soient tues.
C'est qu'en terme d'immersion, Visions Of
The Hereafter se pose là. L'accumulation débute dès The Ninth Circle,
pièce dont on ne sait trop si elle est profondément inquiète ou timidement
sereine, les psaumes lointains rehaussés de percussions intempestives,
solennelles et de nappes flippantes se heurtent à une guitare élégante égrenant
lentement ses notes. Il se joue dans ce morceau une belle confrontation,
l'obscurité côtoie la lumière. John 3:16 poursuit ainsi la voie du
contraste déjà défrichée au cœur même de The Pursuit Of Salvation,
si ce n'est que sur celui-ci, il avance seul. Point de FluiD pour
exacerber ses empilements et collages étranges, point d'électronique stricte et
sombre pour révéler l'éclat des notes charriées par sa guitare. John 3:16
ne peut désormais compter que sur lui-même et le moins que l'on puisse dire,
c'est qu'il s'en sort joliment. Visions Of The Hereafter exsude
ainsi un air légèrement schizophrène, ses voix et ses voies sont légion. Et le
plus souvent dans le même morceau. Il en résulte une hétéroglossie singulière :
une première écoute à la volée laisse croire à un disque apaisé, une seconde
plus détaillée révèle un disque torturé et c'est bien ce contraste permanent
qui lui donne toute sa superbe. À la fois joli papier peint sonore et tellement
bien plus que cela. Une musique qui ne peut dès lors que nous cerner puisque,
que l'on y entre en dilettante ou avec la ferme intention de ne pas en laisser une
miette, il s'y passe toujours quelque chose. Et le moins que l'on puisse dire,
c'est que les réussites sont nombreuses.
De la guitare énergique de Throne Of God /
Angel Of The Lord à celle beaucoup plus apaisée du contemplatif et patraque
Abyss Of Hell / Clouds Of Fire en passant par le merveilleux Ascent
Of The Blessed (To The Heavenly Paradise), le disque frappe fort d'emblée
et alors que l'on se dit qu'il devra bien relâcher son étreinte, il décoche
coup sur coup God's Holy Fire et Star Of The Sea / Guardian Angel,
peut-être ses flèches les plus ténébreuses, les plus alambiquées. Là, toute la
singularité du projet apparaît au grand jour dans un fracas tout à la fois vif
et contenu. Encore cet art de la nuance. Alors qu'une guitare véloce se
superpose aux percussions martiales tapies dans l'ombre, une
sirène synthétique déchire God's Holy Fire avec constance puis se meut
en chœur élégiaque. Ça n'a l'air de rien comme ça mais c'est tellement bien vu,
tellement juste que la crise mystique n'est pas loin. Elle guète, elle s'impatiente, prête à nous sauter à la gueule. Mais c'est mal connaître John 3:16 qui décoche alors Star Of The Sea / Guardian Angel, un truc tellement indolent et solennel que l'on entre en lévitation mais à l'envers. Alors que les couches se superposent dans un long et lent crescendo, on s'enfonce inexorablement dans le sol. On était bien haut, on se retrouve bien bas. Le tout en seulement deux morceaux. Disque de nuances, disque de contrastes mais en permanence cohérent, Visions Of
The Hereafter impressionne carrément.
Et n'allez pas croire que la suite n'est pas du même acabit, c'est exactement la même chose, cette dynamique montagne-russe et irrégulière est maintenue jusqu'au bout, alternant grand fracas (The Inner Life Of God) et mer d'huile (Through Fire And Through Water). Drone peut-être chrétien (ou pas, rien n'est moins sûr) mais assurément pas crétin, la mixture de John 3:16 résulte d'une posologie millimétrée qui voit quelques grammes de post-punk s'acoquiner à des chœurs sacrés, des bourrasques noise et industrielles se gorger d'un mâchefer avant tout psychédélique et puis, pêle-mêle, de l'ambient, du shoegaze, de l'avant-garde, de l'électronique, du synthétique, de la chair et du sang (sur ses doigts, dans nos tympans parfois), tout cela mélangé dans ce vortex étrange qui enveloppe complètement. Ses expérimentations et ses explorations tapissent complètement l'espace, recouvrent tout, font voler en éclats murs, portes et fenêtres, aèrent puis enferment, haute voltige, apnée profonde, chute libre. C'est peu dire que l'on s'y sent bien. Et ce n'est là que son premier album. Alors certes, Philippe Gerber est du genre aguerri, Heat From A DeadStar, bien que n'ayant fourni qu'un long format et une poignée d'EP a somme toute beaucoup tourné et avant cet épisode, il a connu d'autres formations, d'autres expériences, il n'empêche qu'il faut avoir une sacrée dose de talent pour sortir un disque d'une telle trempe dès le premier essai.
Parfaitement représenté par sa pochette figurant des images pieuses peut-être mais déviantes aussi comme autant d'orifices du crâne en bois dont elles font partie (on retrouve là l'univers mystico-étrange de William Schaff à qui l'on doit aussi quelques pochettes de Godspeed You! Black Emperor ou Songs:Ohia entre autres), Visions Of The Hereafter joue avec les paradoxes : abstrait mais accueillant, lumineux mais tourmenté, d'un seul bloc mais constitué d'une mosaïque d'intentions, hermétique mais aéré, paradis mais enfer. Cette vision singulière, cette mystique particulière et cette foi toute personnelle constituent probablement les muses d'un artiste qui dirige sa musique avant tout vers lui, peut-être vers ce en quoi il croit mais aussi surtout vers nous. C'est pourquoi vous pouvez sans attendre découvrir ce chef-d'œuvre qui sortira le mois prochain de manière à pouvoir envisager son acquisition. Mais franchement, étant donné la teneur de l'ensemble, vous devriez faire bien plus que simplement l'envisager. Fermez les yeux, ouvrez grand vos tympans et laissez John 3:16 s'occuper du reste.
Pour finir, dire de ce disque qu'il ensorcelle.
Amen ?
Et n'allez pas croire que la suite n'est pas du même acabit, c'est exactement la même chose, cette dynamique montagne-russe et irrégulière est maintenue jusqu'au bout, alternant grand fracas (The Inner Life Of God) et mer d'huile (Through Fire And Through Water). Drone peut-être chrétien (ou pas, rien n'est moins sûr) mais assurément pas crétin, la mixture de John 3:16 résulte d'une posologie millimétrée qui voit quelques grammes de post-punk s'acoquiner à des chœurs sacrés, des bourrasques noise et industrielles se gorger d'un mâchefer avant tout psychédélique et puis, pêle-mêle, de l'ambient, du shoegaze, de l'avant-garde, de l'électronique, du synthétique, de la chair et du sang (sur ses doigts, dans nos tympans parfois), tout cela mélangé dans ce vortex étrange qui enveloppe complètement. Ses expérimentations et ses explorations tapissent complètement l'espace, recouvrent tout, font voler en éclats murs, portes et fenêtres, aèrent puis enferment, haute voltige, apnée profonde, chute libre. C'est peu dire que l'on s'y sent bien. Et ce n'est là que son premier album. Alors certes, Philippe Gerber est du genre aguerri, Heat From A DeadStar, bien que n'ayant fourni qu'un long format et une poignée d'EP a somme toute beaucoup tourné et avant cet épisode, il a connu d'autres formations, d'autres expériences, il n'empêche qu'il faut avoir une sacrée dose de talent pour sortir un disque d'une telle trempe dès le premier essai.
Parfaitement représenté par sa pochette figurant des images pieuses peut-être mais déviantes aussi comme autant d'orifices du crâne en bois dont elles font partie (on retrouve là l'univers mystico-étrange de William Schaff à qui l'on doit aussi quelques pochettes de Godspeed You! Black Emperor ou Songs:Ohia entre autres), Visions Of The Hereafter joue avec les paradoxes : abstrait mais accueillant, lumineux mais tourmenté, d'un seul bloc mais constitué d'une mosaïque d'intentions, hermétique mais aéré, paradis mais enfer. Cette vision singulière, cette mystique particulière et cette foi toute personnelle constituent probablement les muses d'un artiste qui dirige sa musique avant tout vers lui, peut-être vers ce en quoi il croit mais aussi surtout vers nous. C'est pourquoi vous pouvez sans attendre découvrir ce chef-d'œuvre qui sortira le mois prochain de manière à pouvoir envisager son acquisition. Mais franchement, étant donné la teneur de l'ensemble, vous devriez faire bien plus que simplement l'envisager. Fermez les yeux, ouvrez grand vos tympans et laissez John 3:16 s'occuper du reste.
Pour finir, dire de ce disque qu'il ensorcelle.
Amen ?
leoluce
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