Sortie : 14 mai 2013 | Label : Temporary Residence Limited
Matthew Cooper, l'homme derrière Eluvium, vient d’enrichir son œuvre d’un septième et double album. Trois ans après l’ambient-pop de Similes et le plus drone Static Nocturne, l’américain présente Nightmare Ending, toujours sur Temporary Residence Limited. Mais temporellement, tout n’a pas été si simple. La matière qui constitue cette dernière sortie devait à l’origine représenter la suite de Copia, réalisé en 2007. Ebauches qui furent laissées au repos, puis dont Cooper se rempara pour en livrer une version finale de presque une heure et demie, dense et puissamment troublante.
Cooper décrit – dans une interview récente - le rapport singulier qu’il a entretenu avec ces morceaux inachevés. Tentant pour une fois de se délester de sa tendance perfectionniste, il s’efforca de tout conserver et d’éviter de se mettre des barrières, à l’image du format pop qu’il s’imposa - et avec lequel il joua - sur Similes. S’ensuit un classement de sa part entre les « imperfections » et les pistes qu’il juge accomplies, qui, s’élevant en généralité, l’emmène jusqu’à la distinction entre réalité et rêverie. C’est par cette réconciliation avec l’imparfait et par le questionnement de cette dualité que s’est construit Nightmare Ending. En découle un objet étoffé et riche de la multiformité que prennent ses différents éléments, sorte de mosaïque liante, piquetée de plages de piano, d’ambient pur, de tonalités romanesques et de froissures agitées.
Une des forces de ce disque réside dans sa manière d’embrasser des sentiments élégiaques sans risquer de dérive mielleuse. L’écueil a beau roder, Eluvium manie le lyrisme avec délicatesse et les émotions décrites renient le lumineux. Si le dosage se fait avec minutie et que le romantisme n’est pas en reste, c’est bien du spleen dont on évoque les méandres. Un vague à l’âme doucement chatoyant qui hésite entre apercevoir la fin de la souffrance ou envisager la fin elle-même comme un tourment. Telle est l’ambiguïté du titre de l’album.
Eluvium choisit de ne pas placer les deux disques sous des bannières singulièrement différentes. Ainsi la mutation des teintes emprunte des chemins fortuits qui n’ont que faire de cette fracture. Si le début du premier album sculpte de longues vagues atomisées, imprégnant l’ambient de nobles mélodies, la fin paraît plus creusée de détails. Alors que le piano sur Caroling s’affiche seul et narratif, il se fond sur Sleeper au creux d’une boucle engourdie, laissant à penser que sortir de la nuit demandera une patience sereine et résolue. Le conclusif Evenom Mettle surprend par sa rythmique tout en plissures, auréolée d’échos à la limite du folk. Du deuxième chapitre, plus attachant encore que le premier, s’élèvent en particulier Covered In Writing, dont la beauté de simples nappes étrangle littéralement le cœur lors de l’acmé de leur ascension et qui vaut à lui seul de pénétrer l’album, et Happiness, concentré de pure mélancolie, nimbé de la voix claire de Ira Kaplan, chanteur de Yo La Tengo.
Nightmare Ending subjugue par sa capacité à absorber sur toute sa longueur, par la tension entre tendresse et marasme émotionnel qui imprime son déroulement, et par certains instants, dilués, sonnant comme des pics de sublime.
Manolito
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