Date de sortie : 13 juin 2012 | Label : Twisted Tree Line
Si cet objet est officiellement la
première sortie physique et signée de A Bleeding Star, l'histoire
musicale de son auteur ne démarre pas là. Autrement connu sous le
nom d'Alex Goth, le Canadien a donné naissance à ce projet en 2008
et depuis, pas moins d'une quinzaine d'albums auto-produits ont vu le
jour. Dark ambient, drone, spectres et guitare acoustique, tels sont
les instruments que manie et qui caractérisent sa patte. Accorder à
ses morceaux des titres sans fin en fait partie, et ce nouvel EP
n'échappe pas à la règle. Alors que The Aesoteric Cartography Of My Astral Travel'd Phantasmasy sortait discrètement en novembre
dernier, aujourd'hui c'est Twisted Tree Line, label affilié au très
intéressant Somehow Recordings, qui lui ouvre ses portes. Consacrées
à l'ambient et à l'électro-acoustique nébuleux, ces deux
structures sont gérées par Tim David Brice et Nico Brice, et
accueillent en leurs rangs des artistes comme Hakobune, Ex-Confusion,
Isnaj Dui et bien d'autres. The Wolfbitten Melodies Of My Snowfallen
Memories a trouvé maison mère.
On pourrait poser que le cœur de la
musique de ABS n'a que peu varié. Un cocon de ténèbres autour
duquel il brode d'infinies volutes demeure le noyau de ces fraîches
et macabres compositions. Si avoir recours à des crépitements en
tous genres pour révéler une dimension organique a cessé d'être
original, l'usage ici de grésillements et de puissantes
interférences représente l'armature même des morceaux. Le parti
pris est donc tout autre. Lorsque notre homme décide d'érailler ses
sons, c'est le bruit que ferait un bout de croûte terrestre en train
de cuire dans un chaudron qui vous inonde le crâne. Toute la
capacité hypnotique et intrigante repose sur les cabrioles de
guitare, sur les étreintes des cordes et des drones écumeux. Si le
dark ambient est l'apanage des présentes compositions, il n'est pas
impossible d'y entrevoir des étincelles de musique concrète ou les
traces d'un shoegaze décharné. La noirceur a beau embrasser la
moindre sonorité, The Wolfbitten Melodies... n'est pas de ces œuvres flippantes creusant leur route au cœur des catacombes. Le
ton choisit d'être plus grave et plus poétique que cela.
Le titre
liminaire, As the Snow Fell Beautifully...I Found Myself
Night-Possessed Into A Deep Wintry Sleep s'amorce avec lenteur sur
une mélodie cinématique, jouée au piano. Doucement, l'enveloppe
fantomatique se met à vibrer puis se craquèle, laissant la guitare
affleurer. S'ensuit une tempête sur le fil du rasoir, oscillant
entre le crescendo des accords et un refus tout net de la mélodie.
Une fois n'est pas coutume, aucun des quatre titres de cet EP ne
dépasse les cinq minutes. Beware: The Wolven'ly Daemonic Beasts Of thy Darkest Dreams Shall Always Be There annonce une toute autre
couleur. Deux coups sourds, sorte de gong des bas-fonds, précèdent
un déluge de riffs rageurs et magnifiques. Torrentielle, la guitare
de A Bleeding Star crie, se fracture et chatoie. Derrière elle, le
ciel craque et s'ouvre, les deux se répondent. Le désespoir
s'allume parfois d'éclairs de folie violente et ironique.
Le
troisième chapitre, Upon Awakening From My Wild Revery... (je
tronque) laisse retomber le souffle, dessine le flamboiement d'un
âtre, peut-être la proximité de l'ombre ciselée d'un verre
d'absinthe. La scission à nouveau entre le début et la fin du
morceau se révèle troublante. I Suddenly Felt A Surge Of Deadly
Lycantropy dit la fin de son titre. Sûr que les pulsions
incompatibles et autres paradoxes existentiels peuvent, en ces heures
tourmentées, trouver une illustration. C'est avec l'immense dernier
titre que toute la beauté fragile et hantée de la musique du
Canadien prend toute sa consistance. Presque une mise à nue, By Her
Full Moon's Cherish'd Rise... sonne comme l'acceptation de la mélodie
et de la cohérence. Si elle demeure floue et vaporeuse, la danse des
cordes s'est faite plus fluide. Les nuances adoptées sont belles à
pleurer, et il faut attendre plusieurs minutes pour qu'un grésillement
caverneux zèbre l'atmosphère. Répétition de l'équivalent musical
d'un sourire maussade, les cinquante dernières secondes touchent au
sublime.
Pénétrer et apprécier les œuvres
noires de A Bleeding Star n'est pas anodin. Le chemin paraît
convulsif et capricieux et l'aboutissement réserve son lot de fièvre
et de frissons. Entre ses strates de noise et son ballet enivré de
cordes, The Wolfbitten Melodies Of My Snowfallen Memories en est
peut-être la meilleure porte d'entrée.
Manolito
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire