Date de sortie : 18 juin 2012 | Label : Auxiliary
Ne fuyez pas tout de suite à la vue de
cet artwork délicatement pastoral. Les cerisiers du Japon certes, ne
poussent pas dans les caves. Mais ce serait sans compter le potentiel
neurasthénique de la musique de Kiyoko, entité qui unit Joe McBride
et Jack Lever. Le premier est plus connu sous le pseudonyme de Synkro
derrière lequel il officie comme producteur de 2 step / UK garage,
avec un penchant pour l'hypnotique et l'aérien. Du second, qui se
fait appeler Bering Strait, on ne sait pas grand chose. Synkro
collaborait récemment avec ASC, et c'est sur son label, Auxiliary,
que James Clements accueille Sea Of Trees. Une sortie qui tranche
avec le catalogue de la maison comme avec les habituelles productions
du Mancunien.
Le duo s'est attelé à son matériel
analogique et a troqué la bruine britannique contre un couvercle
limpide. L'environnement ici composé s'établit hors de toute
civilisation ou réalité. Kiyoko fait de la nature, la nostalgie et
la quiétude les objet centraux de l'album. Minimaliste et élégante,
cette plage downtempo se déroule au gré discret des samples
vieillots, des craquements et des murmures de guitare. Les bribes
évoquent des arrondissements tokyoïtes et le spectre des shamisens
traditionnels ne quitte pas les échos de cordes pincées qui
pointent à l'occasion. On aura compris l'influence principale. Si
cette entière errance sonne épurée, le travail du beat compte
parmi ce qu'il y a de plus attrayant dans ce disque. Aéré,
lentement gondolé, fait de percussions concrètes ou de fines
dislocations, le squelette évanescent des rythmes souligne
l'ensemble sans dominer.
Alors que les ondes synthétiques et
planantes guident l'oreille au sein d'espaces en clair-obscur, on ne
peut s'empêcher de se rappeler que l'aura nippone de ces rêveries
demeure le fruit des bidouillages éclairés de deux jeunes types du
North West anglais. Esbroufe ? Justement pas. L'humanité et la
poésie qui exhalent des languides divagations du duo ont tout à
voir avec le caractère complètement fantasmé de leur musique. Tout
deux n'auraient pas forcément dépeint avec tant de netteté ce
climat de mélancolie vive et de piqures de spleen s'il en avait été
autrement. Sea Of Trees n'est ni sombre ni lumineux, il investit
seulement le crépuscule et parvient à capter cet instant où les
corps s'animent d'une sorte de légèreté maussade.
Les sons qui charpentent cet album
n'ont pas vocation à révolutionner le genre, ils semblent
simplement sortis de nulle part. Long d'une courte trentaine de
minutes, Sea Of Trees maintient l'idée fugace du sentiment qu'il
dégage jusque dans son format. Une discrète progression se fait
sentir sur les premiers titres. First Light ouvre sur de l'ambient
filé de touches acoustiques tandis qu'Open fait naître au coeur de
rayons affleurant un beat aussi discret qu'un insecte. Un point fort
du disque s'inscrit sans doute possible dans l'élégiaque Shinagawa,
à la rythmique plus marquée et au charme tourbillonnant et feutré.
Une vraie trace de noirceur intervient avec Rainfall, au court duquel
l'atmosphère s'est sensiblement assombrie. Un grondement de basse,
la modulation d'un écho perdu amène une charge dramatique nouvelle.
La douceur a tôt fait de renaître au creux du flottant Dulcimer.
Entre balbutiements de cordes et percussions tristes, Sea Of Trees
s'éteint dans un souffle.
On pourrait finir en évoquant sa
dimension introspective, l'humilité qui perle de chacun des titres,
la capacité de Kiyoko à dessiner un monde irréel et pur. Ou
simplement conclure sur le fait que Sea Of Trees est un très bel
album.
Manolito
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