lundi 2 juillet 2012

Anthea Caddy & Thembi Soddell - Host


Date de sortie : 2 avril 2012 | Label : Room40

En 2012, l'écurie de Lawrence English semble avoir radicalement dissocié ses préoccupations, confiant aux sous-labels A Guide To Saints et Someone Good l'exclusivité de ses sorties plus accessibles, qu'elles arpentent une ambient contemplative (Motion Sickness Of Time Travel, Heinz Riegler) ou une poptronica kaléidoscopique (FilFla, Tralala Blip), pour se concentrer en tant que Room40 sur des albums plus difficiles d'accès voire ouvertement radicaux.

On avait ainsi vu passer en début d'année dans les rangs du label australien la drone-folk déconstruite de l'Anglais Mike Cooper, les étranges progressions mystiques de l'Italien Andrea Belfi ou encore le sound design déstabilisant du Français eRikm, puis plus récemment les nappes statiques du prolifique Asher, héritier du minimalisme de William Basinski, sur les deux volumes fantomatiques d'Untitled Landscapes. Autant d'habitués du catalogue Room40 à l'exception peut-être de l'auteur de Wege sur lequel on reviendra, soit rien de vraiment surprenant dans ces choix mais au vu d'une telle succession de travaux sans concession au confort d'écoute de l'auditeur, on aurait presque pu se croire chez Touch, une once de prétention en moins.

A charge donc de cette seconde collaboration entre les Australiennes Anthea Caddy (Bogan Ghost, Splitter Orchester) et Thembi Soddell non pas de rétablir la balance, mais l'élargir encore le champ de prospection de la structure basée à Brisbane puisque si Andrea Belfi se retrouvera bientôt chez Miasmah au générique d'une collaboration attendue avec Aidan Baker et le patron Erik K. Skodvin aka Svarte Greiner, c'est justement à l'univers résolument hanté du label norvégien que fait penser ce Host, à la croisée de l'impro concrète et de la BO stridente pour film d'épouvante à l'ancienne.

Six ans après Iland, sorti à l'époque sur le micro-label Cajid Media piloté par Soddell, le duo sollicité entretemps pour un certain nombre de concerts communs et d'installations d'art contemporain remet donc le couvert sur album et incorpore des field recordings d'insectes nocturnes, d'oiseaux charognards, de planches qui brûlent ou de portes qui grincent pour instaurer une atmosphère des plus inquiétantes, propice aux saillies dissonantes du violoncelle d'Anthea Caddy. Et si Dissembling ouvre le disque sur une succession de saynètes décousues aux ruptures souvent abruptes, qui déjouent tout suspense en alternant silences pesants et pics de tension malaisante sans jamais suggérer le moment précis où le danger survient, ce parti-pris déroutant vole en éclats dans les 5 dernière minutes des 20 que compte ce morceau-fleuve pour une ultime progression qui nous plonge dans l'horreur d'un abîme de cordes grouillantes.

Dans la continuité, A Shut In Place se fait plus cinématique, déployant ses crins déliquescents sur une longue montée en intensité qui se perd un temps dans le fracas d'une tempête de craquements boisés avant de resurgir pour mieux s'évanouir dans le néant. Un flot dense et ininterrompu de sonorités organiques qu'Intimate Geometry viendra finalement mettre à mal en clôture d'album, charriant vague par vague ses fantasmagories anxiogènes faites de bruit blanc, de crissements instrumentaux et de sons trouvés pour mieux jouer avec nos nerfs et les faux-semblants de nos perceptions.


Et si cet hôte du titre, que l'on ne voit jamais vraiment mais dont l'ombre ne cesse de louvoyer aux limites de notre champ de vision, n'était autre que cette psychose qui s'approprie tel un coucou les moindres recoins de notre inconscient quand la raison perd pied ?

Rabbit

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