Date de sortie : 25 novembre 2013 | Label : Pan European Recordings
Le temps, pire ennemi du
chroniqueur qui oblige à laisser dans l'ombre des dizaines de grands
disques dont l'aura continue pourtant d'irriguer nos synapses à
l'approche des bilans. Dans un format plus concis que celui des
chroniques habituelles du blog, cette série de rattrapages reviendra
ainsi régulièrement sur ces laissés-pour-compte qu'un certain recul nous
permet désormais de commenter sereinement.
Sur le thème "SUGAR SUGAR - une oeuvre narcotique, le type de drogue n'a pas d'importance" du Grand Jeu Sans Frontières des Blogueurs Mangeurs de Disques - deuxième partie.
Une œuvre narcotique ? Vaste sujet aux entrées innombrables : parle-t-on d'un disque dont les muses sont clairement opiacées ou d'une musique qui donne l'impression qu'elles le sont ? D'un disque qui pousse l'auditeur dans des sphères éthérées et floues, l'amenant à larguer les amarres et à oublier - un temps (sans doute trop bref) - le triste monde qui l'entoure ? Bref, si le sujet n'est pas en soi des plus faciles, il se trouve que le choix l'est encore moins. Mais puisqu'il faut trancher, tranchons et ce sera donc Spiritus Mundi, quatrième et nouveau long format en date de l'inoxydable Aqua Nebula Oscillator, triangle parisien qui, depuis un peu moins d'une quinzaine d'années, tente de dessiner avec ses instruments des volutes de fumée bien denses qui s'enroulent sur elles-mêmes pour hypnotiser les corps et libérer les esprits. Et qui, souvent, y arrive. Difficile de dire si ces trois-là sont particulièrement chargés lorsqu'ils accouchent de leurs morceaux ou si c'est l'alchimie particulière qui les lie quand ils se retrouvent à jouer dans une même pièce qui exsude cette atmosphère et cette odeur si particulières. Une basse caoutchouteuse, une voix rauque, des interludes acoustiques apaisés, des guitares oscillant sans cesse entre le patraque et l'à peine plus énervé et un orgue acidulé permettent de circonscrire un album empruntant ça et là à Can, Amon Düül II et Spacemen 3.
Sombre et psychédélique, doté d'une sorte de groove motorik tenace qui pousse Spiritus Mundi à se relever même lorsqu'il atteint le plus bas que bas, Aqua Nebula Oscillator balance ses effluves comme d'autres balancent des pains : sans crier gare et en misant sur l'effet de surprise. Une ouverture en forme de comptine désaxée aux larsens vicieux et aux ondes inquiétantes qui laisse la place à un morceau déliquescent, requiem psycho-fatigué qui ne laisse en rien présager le fracas approximativement stoogien qui le suit. Plus loin, Jungle Man se la joue plutôt étendue désertique et tumbleweed volant aux vents, un panorama également convoqué pour Crystal Man avant que le groupe ne lâche ses chevaux contre toute attente pour dézinguer la seconde moitié du morceau. Et puis, on trouvera également l'orgue de Human Toad particulièrement halluciné et Roller Coaster, emprunté aux 13th Floor Elevators, particulièrement bien mené, sonnant comme une reprise de Spaceman 3 reprenant lui-même les Ascenceurs cramés d'Erickson. Du grand n'importe quoi très efficace et souvent jubilatoire. Car bien sûr, si l'album souffre d'un certain manque d'originalité, tout cela ayant été entendu avant, souvent et ailleurs, il contrebalance ses faiblesses par une exécution joliment habitée. Il est ainsi bien difficile de rester de marbre devant les sitars de Varanasi ou les claviers virevoltants de Tu Seras Roi (seul morceau chanté dans la langue de Molière d'un album qui privilégie Shakespeare partout ailleurs).
"Tes perceptions seront comme un éclair dans le brouillard, tu verras la lumière à l'horizon", sympathique résumé de ce que réserve l'écoute de Spiritus Mundi : brouillard, lumière, éclair, effacement de la perception pour peu que l'on s'y laisse prendre. Un disque à même de dilater vos pupilles, celles de tous vos yeux, y compris du troisième. Narcotique, opiacé, certes mais surtout un bel hommage à tout ce que le binaire a su offrir de plus transgressif et psychédélique. Proto-punk et fatigué, Aqua Nebula Oscillator est pourtant bien loin d'être soporifique.
leoluce
Salut. Je ne connais pas ce groupe mais quand tu cites en références Can, Amon Düül II et surtout MON groupe fétiche, les indépassables Spacemen 3, alors là je tend l'oreille. De plus ton papier donne très envie.
RépondreSupprimerEt une reprise "Roller Coaster" des 13th Floor Elevators !!
Entre les Spacemen 3 et 13th Floor Elevators, j'ai longtemps hésité pour ce thème "musique narcotique" et j'ai tranché. Ayant parlé x fois des 2 (surtout des Spacemen 3), j'ai opté pour autre chose : Far East Family Band avec leur LP "Parallel World" de 1975 !!
A +
Merci à toi, le Far East Family Band est effectivement un excellent choix et c'est vrai que le thème imposé prêtait à hésitation... De mon côté, j'ai longuement hésité avec le Xperiments From Within The Tentacular de GR, mais étant donnée la sortie récente de Spiritus Mundi, hop !
RépondreSupprimerJe ne connaissais pas... ça m'a l'air pas mal... Un peu lo-fi mais ça vient peut-être de chez moi....
RépondreSupprimerC'est curieux comme à un moment je me suis éloigné de ce genre de musique que j'aime, merci de me réinitialiser le disque dur !
RépondreSupprimerJe ne connais pas… et je ne veux pas connaître !!!!!
RépondreSupprimerPas de souci ils se passeront très bien de toi je pense !
SupprimerAhahah, ben dis donc... C'est lapidaire !
RépondreSupprimerJ'avais lu une itw de leur leader dans un rock&folk je crois, le type était un sacré poseur - content de lui, voire hautain, mais disait des choses assez vraies parfois, et il avait l'air vraiment à fond dans son truc. Je m'écoute le disque du coup, merci de les rappeler à mon souvenir !
RépondreSupprimerC'est tout à fait mon genre, pour ce que j'en ai entendu. :)
Merci pour le lien, je m'attendais pas du tout ça//// je les ai ratés lors de leur dernière tournée, j'espère qu'ils reviennent à Montpellier !!
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