Date de sortie : 13 février 2013 | Label : Profound Lore Records
Le temps, pire ennemi du
chroniqueur, etc. On l'a déjà dit, on le répète encore et on ne le dira sans doute jamais assez. Mais au final, le jeu s'avère addictif et on va donc en trouver : pour le plaisir de la découverte ou de la redécouverte et pour celui d'échanger quelques mots sur quelques disques, avec des personnes que l'on ne connait pas forcément mais que l'on aura eu l'impression, au final, de bien connaître. Bref, dernière salve qui voit une triple contribution parce qu'il fallait marquer le coup et le dire : vivement la suite !
Sur
le thème "FASTER PUSSYCAT KILL KILL ! - des filles qui en ont..." du Grand Jeu Sans Frontières des Blogueurs Mangeurs de Disques - première partie.
"Des filles qui en ont...", si l'on sait de prime abord à quoi se réfère la pronominalisation, celle-ci s'avère finalement assez floue pour que l'on puisse y mettre ce que l'on veut et là aussi, le choix s'avère difficile. Mais puisqu'il faut trancher, tranchons et ce sera cet Arriving Angels d'Helen Money sorti en février sur le sauvage, intransigeant et toujours passionnant Profound Lore Records. Une salve d'adjectifs qui pourrait d'ailleurs parfaitement convenir au troisième disque de la demoiselle qui continue à triturer son violoncelle et lui faire subir mille outrages et tout autant de caresses pour le faire sonner tour à tour comme un A380 au décollage ou une complainte murmurée au beau milieu de la lande déserte. C'est bien là que le disque passionne : sa dichotomie - voire son altérité - et le grand éventail de sentiments qu'il convoque ont pour effet d'éloigner irrémédiablement les longs doigts gris de l'ennui et de la demi-teinte. Un Beautiful Friends polyrythmique et monomaniaque assenant une belle série d'uppercuts sous le menton se voit ainsi presque immédiatement contrebalancé par un Midwestern Night Dreams apaisé et fureteur à l'étrange pizzicato arachnéen. Un point commun tout de même : la grande mélancolie qu'il se dégage de ces deux titres et, par extension, de cette collection d'instrumentaux. La grande sécheresse aussi. C'est qu'on retrouve aisément la patte d'Albini derrière la console et que son sens de l'économie sied parfaitement à l'artiste et son violoncelle. Point de fioritures ici, point d'embellissement, rien pour étoffer les visions d'Helen Money qui se suffisent si bien à elles-mêmes. Et si dans un premier temps, Arriving Angels déconcerte par son côté froid et répétitif, très rapidement, il subjugue et finit par ne plus nous quitter.
On notera également l'apport important de Jason Roeder derrière les fûts (batteur bestial de Neurosis ou Sleep) qui apporte une belle variété aux pièces souvent magnifiques d'Helen Money, élaborant une ossature solide et surprenante sur laquelle elles trouvent tout le loisir de s'ériger. Toujours au service des morceaux, la batterie souligne ou assène mais ne tire jamais la couverture à elle, laissant toute liberté au violoncelle pour exprimer sa retenue et sa tristesse. Il en résulte un disque étrange et polymorphe, se baladant sans cesse sur un segment coincé entre le gris et le noir, entre le metal et le hardcore dans ce qu'ils peuvent avoir de plus post, tangentiel et tracassé, entre le contemporain et l'expérimentation dans ce qu'ils montrent de moins abscons. Il y a énormément à puiser ici, énormément à ressentir : l'urgence et la colère, l'introspection et l'ouverture aux quatre vents - tour à tour accueillants et mauvais - la mélancolie et la lumière. Tout cela inextricablement mêlé, délimitant une boule dense et bien noire d'où ne filtrent que quelques rares mais salutaires rais de lumière. Helen Money avance sans artifices, pose ses tripes sur la table, y injecte de gros bouts de cortex, intellectualise ses fantômes et ses démons, met leurs voix au service de son violoncelle et réciproquement et dessine ainsi, en huit instrumentaux pelés et puissants, les contours d'une musique habitée et agrippante. Peut-être légèrement dépressive mais surtout poignante. Sans doute répétitive mais surtout variée. Un beau disque tout à fait à sa place sur Profound Lore mais aussi complètement singulier et atypique au regard de ce que réserve habituellement le vénérable Canadien.
De quoi revenir sur cet agaçant intitulé : "Des filles qui en ont...". L'introspection et la colère ne sont pas réservés qu'aux seuls mâles, le recueillement et la hargne sont des sentiments très humains. "Des filles qui en ont...", certes. Du talent à revendre, des choses à exprimer, de la technique pour les communiquer. Indéniablement, Helen Money est dotée de tout cela et montre que l'universalité peut être à l'origine d'un élégant et beau bordel. Il y a beaucoup à explorer dans son raffut ténu et abstrait aux nombreuses facettes et au nombreux recoins. Une belle pièce de mélancolie sèche où rien ne relève de la pose, quelque chose de particulièrement sincère qui, souvent, toujours, sait mettre le doigt sur nos ecchymoses et nos tracas en suggérant que la lumière délimite l'ombre et que la clarté recèle sa part d'obscurité.
Brillant.
leoluce
Leoluce : Ton texte est magnifique, très bien écris, j'adore ton style. Expressions et effets de style très....si j'ose le mot "littéraire" !!
RépondreSupprimerDe plus, avec aussi l'ami Rabitt, j'ai fait que des découverte ici, vu votre ligne éditoriale. Des choix, certes parfois déconcertants, mais toujours pertinent et pointus.
"Noir c'est noir" chez vous....mais noir rimant avec espoir ???
A très bientôt, ici ou ailleurs.
Bye
Merci ! Effectivement, on aime bien parler de trucs sombres, c'est un peu l'ADN de ce blog et c'est aussi, on s'en rend bien compte, ce que l'on écoute le plus.
SupprimerA très vite ici et ailleurs...
Merci... Pas tout à fait fini quand même, la suite devrait arriver bientôt. Pour le liens, oui, il va sans doute falloir qu'on y travaille.
RépondreSupprimerPas de liens de téléchargement c'est vrai mais des liens Bandcamp d'écoute intégrale aussi souvent que possible !
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