Date de sortie : 19 février 2013 | Label : Tympanik Audio
Sur le thème "LIFE ON MARS? - une musique d'une autre planète ou presque" du Grand Jeu Sans Frontières des Blogueurs Mangeurs de Disques.
Le temps, pire ennemi du chroniqueur qui oblige à laisser dans l'ombre des dizaines de grands disques dont l'aura continue pourtant d'irriguer nos synapses à l'approche des bilans. Dans un format plus concis que celui des chroniques habituelles du blog, cette série de rattrapages reviendra ainsi régulièrement sur ces laissés-pour-compte qu'un certain recul nous permet désormais de commenter sereinement.
Trip narcotique d'un artiste nordique (Maciej Paszkiewicz est polonais) avec une fille qui le vaut bien sur sa pochette hideuse aux faux airs de pub pour après-shampoing, avec 15 ans de moins j'aurais fait de cet Indistinct Face mon Teen Titan à l'égal des cultissimes travaux warpiens d'Autechre ou Disjecta et Undermathic était lancé pour le grand chelem des thèmes du Grand Jeu des Blogueurs. Autant dire qu'on aurait pu vous en parler un peu chaque jour de ce bonhomme-là, à commencer - toujours pour coller au cahier des charges de la semaine - par son Deleted encore un peu vert (jusque sur sa cover) qui compilait il y a deux ans des morceaux de jeunesse déjà révélateurs d'un talent hors-norme pour une IDM mutante et contrastée, à la fois métallique et organique, abrupte et délicate, passerelle entre la classe anguleuse de Skam et l'aura downtempo du son de Bristol - et en particulier des diamants noirs de Massive Attack (Mezzanine en tête).
Mais s'il y a une chose qui ne trompe pas sur l'illustration trop lisse pour être honnête de ce troisième opus renouant, après les envolées emo d'un 10:10PM qui flirtait peut-être de trop avec la dramaturgie orchestrale du trip-hop et le glamour crépusculaire du ciné d'anticipation, avec les maelstroms post-indus paradoxalement éthérés du parfait Return To Childhood, c'est ce sol lunaire aux allures de jardin japonais, signe que l'on est ailleurs, en milieu anaérobie, et que ce mannequin à la peau nacrée d'un gris irréel a tout du Réplicant, du genre à rêver de moutons génétiquement modifiés en écoutant Amon Tobin fusionner ses beats somatiques avec la matière cellulaire. Elle a deux bras, deux jambes et d'autres attributs mais ressent, respire différemment de nous, un peu comme la musique d'Undermathic dont les circonvolutions métamorphes faites de clicks, de cuts et de flux lymphatiques semblent vivre, grandir et mourir sans intervention extérieure. Chacun de ses pensées se fond dans la suivante pour éclater en un milliard de questionnements existentiels qui se heurtent aux limites de sa perception pas tout à fait charnelle, engendrant chez le cyberhumain une étrange mélancolie.
Alors bien sûr un tel flot de sons, d'émotions et d'idées en vient parfois à déborder à l'image des arrangements hollywoodiens d'un Hope In His Eyes un brin dégoulinant, mais dans l'ensemble on ne peut qu'être impressionnés par cette maîtrise de la profusion, tout un art de l'équilibre dans le chaos résumé par Three Different Worlds où s'entrecroisent effectivement trois univers a priori antinomiques, emphase symphonique, sound design cristallin et beats cybernétiques. Un tourbillon dense mais finement détaillé d'émotions contradictoires télescopant cordes élégiaques et distos viscérales, tension implosive des rythmiques de laborantin et poésie des percussions de sons trouvés, nappes analogiques pullulantes et mélodies épurées gonflant lentement sous la masse mouvante de la production, une beauté sans cesse sur le fil et pourtant capable de vous décoller les neurones par milliers à chaque coup de butoir martial de ces reflux du subconscient.
Rabbit
(et sinon pour les amateurs d'électro stellaire on avait un petit complément du côté d'IRM ce matin, un peu tard pour chopper la diffusion en exclu mais on ajoutera le lien Bandamp à la sortie demain : http://www.indierockmag.com/article23625.html)
RépondreSupprimerJ'accroche pas non plus !
RépondreSupprimerUne bizarrerie que je connaissais pas...
RépondreSupprimerToi qui a choisi M83 aujourd'hui, à leur tout débuts il y avait pourtant une certaine accointance avec toute cette scène IDM qui nourrit un type comme Undermathic aujourd'hui... ils citaient d'ailleurs pas mal Boards Of Canada dont le Geogaddi est sûrement l'une des plus grosse influences de ce disque. Tout ça pour dire qu'il y a un monde certes entre le M83 électro-pop d'aujourd'hui et cette scène expérimentale mais qu'en remontant leur diso ça peut faire une bonne d'entrée pour cet univers finalement pas aussi bizarre qu'il y paraît.
SupprimerBordel, t'as fait une belle synthèse des thèmes !! chapeau
RépondreSupprimerMerci ! C'était un peu notre "joker" celui-là...
SupprimerJ'aime beaucoup le morceau en ligne, joli !
RépondreSupprimerDans ce cas tu peux continuer l'écoute, le streaming de l'album est dispo en entier. ;)
Supprimer"...Le temps, pire ennemi du chroniqueur.." Tout à fait d'accord avec toi. Je le dis souvent : trop de (bons) disques qui sortent, pas le temps de tout connaitre, de tout écouter et on passe surement à coté de pléthore de bijoux. Mais heureusement qu'il y a tout nos blogs de passionnés, parlant sincèrement de nos "coups de cœurs" respectif.
RépondreSupprimerSinon, je connaissais pas Undermathic. J'ai un peu écouté cet album et surtout lu ton papier très sympa. Style, écriture, analyse....bravo.
"....rêver de moutons génétiquement modifiés .." Superbe expression !! Et comme dis l'ami Charlu, bien vu la synthèse de plusieurs thèmes avec un même album (le coup du Teen Titan perso, équivalent "Autechreien" pour personnes trop jeune lors des sorties de leurs first LP).
Belle découverte, très Electronica Industrielle, Abstraite et onirique !!!
A +
Merci de ton retour, ça fait plaisir !
SupprimerSi tu es accro au Warp de la grande époque, tu peux effectivement te jeter sur tout le catalogue Tympanik, du moins jusqu'à 2011-2012 où ça commence à partir dans l'excès d'émotion sur pas mal de sorties. C'est en tout cas l'un des labels (avec Hymen ou n5MD) qui ont pris la suite avec le plus de brio de la génération Warp/Skam et Undermathic en est sûrement l'un des plus beaux fleurons au même titre qu'Access To Arasaka (le Autechre des années 2010), Tapage, Zeller, r.roo, Dirk Geiger (lui-même aux manettes du très bon Raumklang Music) oeuvrant dans cette même scène, tout est en écoute sur Bandcamp) et quelques autres.
RépondreSupprimerJai pas encore ma combinaison spatiale pour me sentir à l'aise dans ces univers, mais parfois j'arrive à rêver d' y parvenir.
RépondreSupprimerHello.
RépondreSupprimerOn ne découvre pas aujourd'hui nos différences de goût hein...
Quand il s'agit de musique-atmosphère il n'y a pas 36 solutions : on y entre ou on n'y entre pas. Je reste devant la porte ...
(Le post-qui-marcherait-tous-les-jours c'est une réalité qu'on a tous expérimentée, mais que cela peut-il bien vouloir dire ... mystère.)
EWG
Musique-atmosphère ou pas d'ailleurs... on voit le rejet de certains pour le heavy metal, parfois c'est épidermique et on n'y peut rien ! Mais force est de constater tout de même que certains univers demandent un certain cheminement, 15 en arrière je ne me serais pas imaginer une seconde écouter ce que j'écoute aujourd'hui et j'aurais sans doute trouvé cet album très bizarre et le Emptyset de Sb sans intérêt. En musique à moins d'en rester à la pop immédiate on est souvent tributaire de la bonne rencontre au bon moment, tel disque qui va t'amener vers tel autre, etc...
SupprimerAbsolument d'accord et principalement sur l'un qui t'amène à l'autre, appelons-ça des références. Mais on sait aussi ce qu'on n'aime pas ...
SupprimerCe qui est difficile en terre inconnue c'est de se sentir en sécurité pour apprécier la nouveauté. C'est un peu ce qui me manque dans l'immédiateté du Grand Jeu, alors je stocke et j'espère le moment propice pour l'écoute qui m'éveillera ... seul problème parfois je ne me souviens plus où j'ai pioché ou la (belle) analyse qui va avec. Mais le principe de dépasser et d'affronter ses limites est un bonheur qui peux prendre comme tu le dis beaucoup de temps.
SupprimerJe ne connaissais pas non plus et je m'étonne de certains commentaires parce que je ne trouve pas cela très difficile d'écoute... même si, bien sûr, on peut ne pas aimer. Pour moi c'est parfait... merci pour la découverte.
RépondreSupprimerDe rien ! Et pas surpris, je me doutais que ça ne te laisserait pas indifférent.
SupprimerTotalement inconnue au bataillon en ce qui me concerne. Ta présentation donne envie de s'y pencher ce qui sera fait bientôt...
RépondreSupprimerMerci pour le "tip" et bravo pour le jeu.
Merci à toi !
SupprimerJe suis régulièrement halluciné par la mine que représente bandcamp. Que je n'ai pas le temps d'explorer.
RépondreSupprimerLà, de ce que j'entends c'est plutôt ambient, moins mon truc que Third Eye Foundation mais quand même...Évidemment mon Kortatu plane moins, il a plus les pieds sur Mars.
C'est vrai que les beats sont nettement mois marqués sur celui-là, davantage fondus dans les textures ou plus downtempo quand ils reprennent le dessus. Essaie peut-être "Return To Childhood", tout aussi dense mais sur des rythmiques plus "massives".
SupprimerTrès beau texte et envie folle de partir en voyage. Merci!
RépondreSupprimerAvec plaisir !
SupprimerContre toute attente, j'aime beaucoup. Bonne pioche, merci Rabbit !
RépondreSupprimerAh content que tu y sois revenu ! Même si 10:10PM est celui que j'aime le moins je te conseillerais bien celui-là, plus limpide, cinématographique, presque trip-hop par moments.
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