Date de sortie : 19 juin 2012 | Label : I Had An Accident Records
À peine s'est-on familiarisé avec Guilt Surveillance que FRKSE, particulièrement prolifique ces derniers temps, remet l'ouvrage sur le métier. D'autant plus qu'il faut être honnête, on est bien loin d'avoir exploré les multiples recoins de son vinyle et qu'il y a d'ailleurs fort à parier que nous n'en fassions jamais véritablement le tour. Complexe, mouvant, se métamorphosant sans cesse d'un morceau à l'autre, Guilt Surveillance était-il annonciateur du contenu de cette cassette jaune répondant au doux nom de Scholar Drugs ?
Dans un premier temps, on a plutôt envie de répondre par l'affirmative : toujours ces instrumentaux biscornus et solennels, toujours ce refus catégorique de ne se cantonner qu'à un seul genre quand il en reste tant à explorer, ces mêmes accents inquiets, de plus en plus loin du pré-carré hip-hop originel, empruntant autant aux musiques industrielles, au drone qu'à l'ambient teintée de reliquats noise et urbains. En revanche, là où Guilt Surveillance jouait la succession d'une multitude de plages multicolores (enfin, pour être tout à fait juste, coincées entre le noir et le gris clair quand même) n'ayant pratiquement aucun point commun entre elles en dehors de leur noirceur extrême, Scholar Drugs assène un instrumental unique et massif qui ne s'achève que le temps de retourner la cassette. Une seule plage d'une demi-heure qui tranche parfaitement avec le jaune de la pochette tant FRKSE est allé explorer les recoins les plus sombres de sa psyché qui s'avèrent être probablement les nôtres aussi (ce qui ne rassure pas).
Difficile de rentrer dans le détail du morceau car celui-ci mue incidemment, FRKSE travaillant par empilements successifs de micro-détails tout en maintenant leur répétition. Porté par un beat lent, monolithique et profond, chargé d'écho, OX1, le premier quart d'heure, bourdonne dès les premières secondes et accumule successivement, de longues minutes durant, nappes moribondes et stridences tarabiscotées. L'ossature du morceau est assez simple à bien y regarder mais Rajbot maîtrise si bien son sujet que ces quelques éléments suffisent à poser une ambiance poisseuse, opaque et flippante. Et particulièrement prenante aussi. Car l'une des grandes forces de Scholar Drugs, c'est sa capacité à maintenir l'auditeur dans un état de transe étrange, dans un mouvement qui le pousse à l'intérieur de lui-même. Un genre d'implosion sensorielle et mentale qui érige quatre murs bien épais, tout à la fois gagnés par le salpêtre et zébrés de traces d'usure, tout autour du cortex. Un groove malade et patraque, opiacé, dans le même temps malaisé et accueillant.
Bien sûr, OX2 poursuit le chemin d'OX1 et on pourrait d'ailleurs commencer à écouter n'importe laquelle des deux plages par n'importe quel bout, à n'importe quel moment, que la musique de FRKSE garderait sa cohérence et sa structure. Et on a beau être familier de son travail, écouter plus que régulièrement les deux précédents, se lover dans les bras de Shiva de l'éponyme ou se perdre dans le blanc immaculé de Guilt Surveillance, on est encore une fois surpris de se laisser surprendre par les entrelacs sinueux et amalgamés du beatmaker où drones et synthés se cherchent des crosses sur fond de drum machine. Braquant la barre cette fois-ci du côté ambient de son inspiration noise cabossée et semble-t-il sans limites, FRKSE livre-là, comme à son habitude, quelque chose de surprenant et pour tout dire d'assez fascinant.
J'avais peur de me répéter en débutant cette chronique, mais c'était mal connaître l'animal. Il pourrait sortir dix albums par an qu'à chaque fois, les mots ne seraient de toute façon pas les mêmes. I Had An Accident Records poursuit le chemin d'une musique toute aussi intransigeante que protéiforme et FRKSE est son prophète.
Grand.
leoluce
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