Date de sortie : 22 octobre 2012 | Label : Serein
Un anglais, Mark Dawson, voyageur et
installé à Melbourne, donne corps à un premier album. Un label
exigeant et gallois, Serein, lève le voile sur cet objet désarmant.
D'abord il y a le piano, qui éclaire et manoeuvre, limpide. Puis
vient cette impression d'isolement, de cheminement solitaire dans un
lieu anonyme, pourvu qu'il fasse nuit, le long des nimbes des
réverbères ou face à des champs endormis.
Charcoal se loge à l'orée de
l'ambient, et élabore sa fondation à partir d'arrangements
acoustiques. Sur la forme, ce genre de terrain connait une
exploitation continuelle, parfois de façon inodore, souvent de
manière riche et renouvelée. Sur le fond, difficile de ne pas se
fendiller légèrement pour laisser les brumes fragiles de Charcoal
nous imprégner jusqu'au bout. Difficile également de trouver les
mots justes pour raconter cet album. De l'enveloppe électronique on
peut dire qu'elle esquisse des parterres savamment texturés. Si le
piano décide de vous faire flotter le corps, traçant des horizons
de battements ou des courbes d'éther, la matière pénétrante
réside bien souvent dans l'usage des cordes.
A en croire les dires
du label, cet album ne donne pas dans la mélancolie. Je me
permettrai de ne pas être d'accord. Si le terme est galvaudé, le
sens lui, a tout à voir avec les auréoles de doute qui émanent de
la musique de Brambles. L'incertain et le flou, sillonnés de vapeurs
neurasthéniques et de papillons noirs, planent en souverains sur les
fissures qu'ouvre l'album. Alors oui, la tristesse est transcendée,
lumineuse même, mais nullement inexistante. Le charbon et les ronces
jamais ne mentent, au coeur de Charcoal, la poésie est noire ou
n'est pas.
Au plan structural, la contribution des
field-recordings doit être dignement soulignée. La dimension
craquelée, végétale, parfois marine de l'objet réside précisément
dans la place de premier choix qu'occupent les captures de sons
naturels. La plus profonde estafilade est creusée dès le troisième
titre. In The Androgynous Dark ou le temps qui s'arrête et vous
avec, pour goûter à une lente brûlure au plexus solaire. Dans un
écrin de bruissements et en une poignée de notes immaculées,
Brambles écorche, bouscule et met à terre. L'enchainement avec Salt
Photographs densifie l'emprise. Contemplatif et long en bouche, le
morceau dissimule à peine une poignante ascension. Gracile et relevé
de trainées de cordes, Pink And Golden Billows peut être situé,
avec le final minimaliste Unsayable, du côté de l'errance
désirable, de la nuit que l'espoir anime. A l'inverse Deep Corridor
plonge dans l'ambient pur et saumâtre, qu'une sourde pulsation vient
balayer. Seul de lointains murmures rappelleront l'auditeur au
vivant. Du côté du sublime, achevons de citer To Speak Of Solitude,
dont la majesté et l'absolue finesse ouvrent le disque, et Arête
qui joue avec le vide et folâtre avec la grâce.
Ténébreux, feutré mais surtout très
beau, Charcoal est de ces premiers jets aboutis comme rarement. Sous
la poussière et les feuillages il est ardemment conseillé de faire
étape.
Manolito
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