dimanche 18 novembre 2012

Interview from the heart of darkness : 3/ Brou de Noix


Interviewé tout récemment par IRM à propos de son duo lufdbf, avec une poignée d'inédits à la clé et une autre compilation en ligne de mire, c'est en tant que Brou de Noix que le Bisontin Fred Debief remet le couvert dans nos pages, penchant pour le côté obscur oblige. Mis sur orbite en septembre dernier par le biais d'une triplette d'EPs commentés ici, le projet se développe depuis autour d'un concept redoutablement efficace : une cover monochrome affublée d'une noix, un titre numéraire, trois morceaux pour la plupart instrumentaux (le dada 688 à danser sur la tête et le plus cold et ténébreux 112 faisant jusqu'ici exception), et la possibilité de télécharger le tout d'un simple clic. Ainsi, trois autre formats courts ont déjà vu le jour en quelques semaines via Bandcamp, dernier en date aujourd'hui même dont on vous reparle plus bas. Quant au morceau Ashes composé par l'ex Bazaar pour notre compilation à venir, c'est bien la seule chose que l'on a pris soin de ne pas aborder au cours de cet entretien, qui nous en apprend un peu plus sur ce projet "ambidextre, ambivalent et agnostique" mais surtout joyeusement cryptique et radicalement jouissif.



L'interview

- Des Cendres à la Cave : Que trouve-t-on dans ta cave - ou dans l'endroit où ta musique prend corps ?

Fred Debief : Je suis en train de finir de monter un vrai studio… Ce qui va me permettre, enfin, de pouvoir utiliser mon instrumentarium de manière plus complète, plus simple et plus efficace.
Sinon, on trouve tout ce qui a jalonné mes années de pratiques musicales : une basse et une guitare, un piano, des micros, moults effets, de nombreuses vieilles boîtes à rythmes, des synthés, des percussions et divers instruments du monde, un ordi, quelques tables de mixage, des couvercles de poubelle, des boîtes de whiskey et autres objets récupérés pour leur acoustique particulière.
Pour ce qui est du contenant…et bien, c’est un peu la même histoire d’accumulation : les murs sont recouverts intégralement d’affiches de films, de concerts, d’illustrations diverses…
En gros, ma cave, c’est un mix entre l’atelier de Bacon et certains bars berlinois… en plus clean dans les deux cas.


- DCALC : Te voilà de retour en solo après l'aventure lufdbf dont la dimension musicale était assurée en majeure partie par Thierry Lorée (Larsen Urbain). Cette expérience a-t-elle influé sur ta façon de travailler aujourd'hui ?

Fred : Oui, comme toute expérience d’ailleurs - et même des expériences non musicales… mais en l’occurrence, oui : Thierry est un instrumentiste polyvalent et exigeant qui a de plus une grande expérience de la scène… Un peu tout le contraire de mon expérience, faite de bric et de broc, d’expérimentations en appartements… On a beaucoup échangé et appris l’un de l’autre avec ce projet. À commencer par le chant en ce qui me concerne : c’est une étape importante… J’ai encore pas mal de boulot devant moi, mais je peux déjà mettre en musique mes propres textes et ceux des autres par le biais de ma voix… un filtre intéressant, un véhicule propice à l’émotion. Je suis sans doute aussi plus attentif aux arrangements, peut-être plus enclin à une certaine légèreté, parfois...


- DCALC : Il va y avoir du Brou de Noix à toutes les sauces ces prochains mois, entre tes futurs EPs et pas moins de trois compilations auxquelles tu participes à notre connaissance. Comment définirais-tu ce projet par rapport à tes précédentes virées solo Bazaar et Ascalaphe ?

Fred : C’est une excroissance relativement naturelle… un projet plus mûr, plus sûr, plus dur !
…Plus débridé aussi… Brou de Noix, c’est un peu le mix de tous mes projets précédents. Le bac à sable de la cour de récré et l’humus de futures aventures…

- DCALC : Tes EPs sortis jusqu'ici contiennent chacun trois morceaux, eux-mêmes souvent lapidaires. Y a-t-il une idée d'instantané derrière cette concision, fixer ton inspiration du moment sans trop gamberger ?

Fred : Oui, il y a de ça. Aller à l’essentiel, à l’idée…
En démarrant Brou de Noix, j’ai pensé au Commercial Album des Residents : un album composé de 40 titres d’une minute… Un pied de nez au formatage radio et aux jingles omniprésents. J’ai décidé de verrouiller le concept sur ce format trois titres… mais sans limitation de durée. Parce que je veux laisser les morceaux respirer en fonction du thème, de l’idée… idéalement, que ces idées imposent la durée de chaque morceau. J’ai imaginé ce projet comme un carnet de bord de mes ressentis, de mes émotions, au jour le jour… et comme on ne s’arrête pas de penser et que nos ressentis évoluent sans cesse, plus la période de gestation d’un morceau est longue, plus on cérébralise le morceau et plus on s’éloigne du feeling de base. Ce qui peut être intéressant : la distance permet de prendre du recul, le travail aide à l’épure et la réflexion au long cours vont concourir à créer une œuvre qui se rapprochera plus de la perfection, mais cette démarche là, je la garde pour un autre projet…


J’essaye aussi de sortir du formatage qu’on subit tous, depuis que la musique est diffusée de manière massive. Le format physique, vinyle puis CD, a induit une durée « normée » pour un album, la radio a imposé un format « court » pour les diffusions…  J’écoute beaucoup de musiques du monde ou de musique classique ou contemporaine et suis ravi d’écouter des pièces qui durent quelques secondes, comme des mouvements de plusieurs dizaines de minutes, voire pour certains ragas indiens des heures… Dans la jungle de la musique « populaire » moderne, les artistes à s’affranchir de ce carcan sont finalement assez rares… C’est d’autant plus déroutant pour la musique dématérialisée (netlabels, bandcamp…) : on pourrait sortir des disques sans aucune contrainte de durée… avec des pochettes qui sortent également du classique format carré, issu du LP et du vinyle… Mais non, tout le monde se cantonne à des formats qui sont maintenant vieux de près d’un siècle…
Je n’échappe pas à ce formatage, d’ailleurs j’ai lancé la série en appelant ça des EPs, alors qu’en fait on s’en fout, il s’agit d’albums de trois titres, qui pourront durer trois minutes comme deux heures…
Et trois est un chiffre que j’apprécie tout particulièrement… Je suis convaincu que notre philosophie - et notre société - sont passées à côté de pas mal de choses en étant trop systématiquement focalisées sur un principe de dualité…

- DCALC : Chacun de ces EPs, aux humeurs et aux sonorités changeantes, présente en guise de cover une noix sur fond monochrome de la gamme pantone, à la façon des sérigraphies d'Andy Warhol. Associes-tu naturellement musique et couleurs ?

Fred : Non, pas nécessairement. J’ai souvent travaillé en partant d’influences cinématographique ou littéraires par exemple (Ascalaphe, Bazaar), mais l’association couleur / musique se fait une fois les EPs constitués, sans lien réel. Plutôt un feeling du moment.

- DCALC : D'ailleurs, si tu devais associer ton morceau pour notre compilation à une image, quelle serait-elle ?

Fred : Cette galerie [ndlr : la photo ci-dessous en est extraite].


- DCALC : Ta veillée de fin du monde, tu comptes la passer comment ?

Fred : Heu… comme toutes les grandes fêtes à la con… Loin des foules…

- DCALC : Et si on en réchappe, quels sont tes plans pour 2013 ?

Fred : Mettre du Brou de Noix partout, finaliser quelques albums de lufdbf et travailler à un nouveau projet auquel je pense depuis quelques mois… avec, je l’espère, des featurings et une production de qualité…

- DCALC : Le jeu de mots de la fin ?

Fred : Un détournement de citation… le sport favori de Brou de Noix :
« Si j'ai décidé de me présenter à cette élection présidentielle, c'est que j'ai compris que je ne pourrai jamais être Brou de Noix ! » Barack Obama.




Quelques liens

- le site officiel de Brou de Noix
- Brou de Noix sur Bandcamp / Facebook
- lufdbf sur IRM



Le cadeau de Brou de Noix

Pas  d'inédit à proprement parler cette fois mais un EP tout chaud et sans garde-fou dont on a un tout petit peu contribué à accélérer la sortie. Au programme, électro-rock sursaturé, dark ambient pour synthés vintage, stoner mystique, free jazz tempétueux, vortex power noise... autant dire que Brou de Noix en a encore sous le capot !


Propos recueillis par Rabbit

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