Nebulo, on en parlait déjà au tout début de notre série d'interviews avec le Canadien VNDL qui l'avait convié à croiser le fer sur l'un des sommets de son Gahrena: Paysages Électriques sorti en juin dernier, et encore pas plus tard qu'hier en compagnie de Nicolas Godin avec lequel l'auteur du récent Cardiac avait publié plus tôt dans l'année l'OVNIesque 5 Cadavres Exquis, télescopage sans concession d'électro-noise baroque, de dark ambient caustique, d'expérimentations analogiques et de krautrock déstructuré. Un timing idéal en somme pour laisser la parole à Thomas Pujols dont la discographie - surtout à partir du versatile Ãvutmã qui entérinait en 2008 un univers glitchy et foisonnant et à mi-chemin de la contemplation onirique et du déferlement malaisant, appelé à culminer deux ans plus tard sur l'anxiogène Artefact aux concassages ultra-texturés aussi ardus que fascinants - aura réussi l'exploit de placer un français sur la carte des producteurs les plus singuliers et néanmoins influents de la scène IDM actuelle. De son background bordelais d'étudiant en musique à la genèse de Cardiac en passant par ses relations avec Hymen Records ou ses ambitions de compositeur de cinéma, Nebulo se livre enfin, au compte-gouttes certes et toujours à demi masqué mais 100% passionné, nous offrant même au passage une surprise de poids pour patienter jusqu'à la sortie de notre compilation : il y apparaîtra en effet avec l'inédit Grey, dont on ne s'est toujours pas remis...
Des Cendres à la Cave : Que trouve-t-on dans ta cave - ou dans l'endroit où ta musique prend corps ?
Nebulo : J'ai maintenant la chance d'avoir une pièce dédiée à ma musique, un vrai mini studio.
On n'y trouve pas grand chose mis à part mon matériel, sur lequel je ne n'épancherai pas
Une fenêtre qui donne sur des arbres, 2/3 photos dont l'une est un panoramique de San Francisco pris par Muybridge en 1878.
Nebulo : J'ai maintenant la chance d'avoir une pièce dédiée à ma musique, un vrai mini studio.
On n'y trouve pas grand chose mis à part mon matériel, sur lequel je ne n'épancherai pas
Une fenêtre qui donne sur des arbres, 2/3 photos dont l'une est un panoramique de San Francisco pris par Muybridge en 1878.
DCALC : Si tu devais associer ton morceau à une image, quelle serait-elle ?
Nebulo : Mmmm, je ne sais pas trop, cela ne m'évoque pas vraiment une image.
DCALC : Tu es récemment sorti de ta discrétion coutumière pour collaborer avec Druc Drac alias François Dumeaux (sur l'album Urbatectures, inspiré des Cités Obscures de Schuiten et Peeters), VNDL (sur son récent Gahrena: Paysages Électriques) ou encore sur les 5 Cadavres Exquis du label Stomoxine de Nicolas Godin (avec Druc Drac toujours, Picola Naine et Alan Doe). As-tu ressenti le besoin de te frotter à d'autres sensibilités musicales pour faire évoluer ton univers ?
Nebulo : Non il ne s'agit pas d'un besoin, en général il s'agit de projets que l'on me propose et si ça me parle j'y participe. Bien sûr, le fait de collaborer apporte plein d'éléments intéressants sur la manière d'envisager / de faire / de penser la musique. On se retrouve souvent surpris par ce que l'on obtient et tant mieux.
DCALC : Cet art du collage influencé par la musique concrète qui préside à 5 Cadavres Exquis caractérisait aussi tes premiers albums. Quels constats, quelles expériences t'ont amené à changer ta façon de travailler pour Cardiac ?
Nebulo : Disons qu'après Artefact, qui avait été conçu assez méticuleusement, j'ai eu envie de m'amuser un peu plus. C'est toujours un va-et-vient entre les approches au gré des albums.
Le point de départ a donc été de renouer avec une approche plus ludique et spontanée.
J'étais en manque de jeu rythmique et je me suis retrouvé à être assez obsédé par les kicks, comment faire sonner un kick, les claps également. Renouer avec une approche très simple, du 4/4.
Et ensuite, la cassette, le fait de repasser pas mal de pistes à travers les cassettes, aller chercher le souffle, abimer le son, le distordre, le patiner.
J'avais 2 ou 3 morceaux finis mais c'est vraiment à l'été 2011 que j'ai lancé le processus de Cardiac : j'ai fait chaque jour une esquisse, un début de morceau, et le lendemain un nouveau. Etc...
Au final, je me suis retrouvé à avoir des dizaines et des dizaines de pistes qui faisaient 1 à 2 minutes, et tout ça se ressemblait, des modules qui se complétaient et allaient dans une direction assez claire. J'ai gardé ce qui me plaisait et j'ai commencé à développer, et petit à petit ce nouvel album s'est fait.
DCALC : Ta musique a gagné en chair et en émotion sur des titres comme Asht ou Icon au contact d'une instrumentation plus traditionnelle et d'une utilisation accrue des field recordings, mais aussi en groove avec des morceaux IDM d'influence plus "old school". En quoi ces deux approches ont-elles libéré ton inspiration ?
Nebulo : Même si il y en a ci et là, il y a finalement assez peu de field-recording à proprement parler dans cet album, c'est vraiment sur Artefact que j'avais travaillé là-dessus. Mais ça laisse des traces.
Mes rythmiques sont plus que jamais construites à partir de sons divers et variées que j'enregistre.
Il y a quelques instruments mais pas tant que ça en fait.
C'est le parti pris de l'album qui va vers ce que tu dis.
Sur Cardiac, le bon exemple est un morceau comme Redkosh, avec son beat presque housy, son thème ritournelle, et c'est typiquement une chose que je n'aurais jamais faite avant. J'ai fait 15 versions de ce morceau pour finalement en revenir à la première version que j'avais faite très rapidement, car j'avais perdu l'essence du morceau, sa fraîcheur.
Tel que je le vois c'est accepter la dimension « pop » au sens large, l'immédiateté. En tout cas ça a débloqué quelque chose.
C'est un titre que j'aime beaucoup.
C'est donc peut-être de ça dont tu parles quand tu dis « libéré », en tout cas je le vois aussi comme ça.
Plus techniquement, je me suis beaucoup plus penché sur la production à proprement parler qu'à l'habitude, et avec un plaisir certain.
Je voulais que les beats soient percutants.
Une fois le morceau écrit dans le temps, réfléchir à comment le mettre en valeur, quels choix adopter pour le faire sonner.
J'avais envie d'avoir un album axé autour de la pulse, avec peu de morceaux, et tous assez différents l'un de l'autre, le tout dans une production soignée, avec un beau spectre de fréquences.
Le souffle quasi permanent doit participer de ça.
Et là, peut-être que c'est le côté « chair » que tu évoques...
Nebulo : Même si il y en a ci et là, il y a finalement assez peu de field-recording à proprement parler dans cet album, c'est vraiment sur Artefact que j'avais travaillé là-dessus. Mais ça laisse des traces.
Mes rythmiques sont plus que jamais construites à partir de sons divers et variées que j'enregistre.
Il y a quelques instruments mais pas tant que ça en fait.
C'est le parti pris de l'album qui va vers ce que tu dis.
Sur Cardiac, le bon exemple est un morceau comme Redkosh, avec son beat presque housy, son thème ritournelle, et c'est typiquement une chose que je n'aurais jamais faite avant. J'ai fait 15 versions de ce morceau pour finalement en revenir à la première version que j'avais faite très rapidement, car j'avais perdu l'essence du morceau, sa fraîcheur.
Tel que je le vois c'est accepter la dimension « pop » au sens large, l'immédiateté. En tout cas ça a débloqué quelque chose.
C'est un titre que j'aime beaucoup.
C'est donc peut-être de ça dont tu parles quand tu dis « libéré », en tout cas je le vois aussi comme ça.
Plus techniquement, je me suis beaucoup plus penché sur la production à proprement parler qu'à l'habitude, et avec un plaisir certain.
Je voulais que les beats soient percutants.
Une fois le morceau écrit dans le temps, réfléchir à comment le mettre en valeur, quels choix adopter pour le faire sonner.
J'avais envie d'avoir un album axé autour de la pulse, avec peu de morceaux, et tous assez différents l'un de l'autre, le tout dans une production soignée, avec un beau spectre de fréquences.
Le souffle quasi permanent doit participer de ça.
Et là, peut-être que c'est le côté « chair » que tu évoques...
DCALC : Tu as étudié la musique électro-acoustique au conservatoire de Bordeaux. Mis à part piano et percussions auxquels tu infligeais déjà divers traitements digitaux sur tes précédentes sorties, as-tu un background d'instrumentiste ?
Nebulo : Je sais jouer en surface de quelques instruments comme le piano ou la guitare. Et ça me sert beaucoup pour travailler ma musique, chercher, faire des prises de sons etc...
Mais je ne suis pas du tout ce que l'on appelle un instrumentiste, c'est juste un moyen parmi d'autres.
DCALC : On pense à Ligeti à l'écoute de certains morceaux d'Artefact, dirais-tu que l'avant-garde du classique contemporain, dont l'ambient se nourrit déjà depuis Brian Eno, est importante pour l'avenir de l'IDM dont certains des pionniers se réclamaient déjà de Stockhausen, Steve Reich ou John Cage ?
Nebulo : Franchement, je ne connais pas assez ni n'écoute assez l'avant-garde contemporaine dont tu parles pour pouvoir bien te répondre. Mais en tout cas, je pense que regarder ailleurs, s'inspirer de travaux émanant d'autres courants, d'autres sphères n'a que du bon.
Cage / Reich / Ligeti que tu cites sont toujours d'actualité. Cela peut permettre de dézoomer de la « geekerie », de l'aspect purement démonstratif techniquement que peut avoir ce courant et que je ne trouve pas spécialement intéressant.
Nebulo : Franchement, je ne connais pas assez ni n'écoute assez l'avant-garde contemporaine dont tu parles pour pouvoir bien te répondre. Mais en tout cas, je pense que regarder ailleurs, s'inspirer de travaux émanant d'autres courants, d'autres sphères n'a que du bon.
Cage / Reich / Ligeti que tu cites sont toujours d'actualité. Cela peut permettre de dézoomer de la « geekerie », de l'aspect purement démonstratif techniquement que peut avoir ce courant et que je ne trouve pas spécialement intéressant.
DCALC : Tu es féru de cinéma. Composer un jour des bandes originales, cela fait-il partie de tes objectifs, de tes envies ?
Nebulo : Oui, à fond, j'adorerais faire cela sur un projet de film qui me parle, et où je puisse faire un vrai boulot de recherche sonore et musicale.
Le comble étant que je supporte en général assez mal la musique dans les films, car c'est vraiment souvent sur-illustratif, et l'on tombe trop souvent sur l'écueil du type « corde sensible au piano / quatuor de cordes » ou bien sur des films aux séquences clipesques avec tel ou tel morceau pop ou électro. Et cela me fait sortir du film.
Je n'entends pas souvent une musique qui joue en dehors de ces ornières, et c'est dommage, car il y a plein de choses à faire.
Nebulo : Oui, à fond, j'adorerais faire cela sur un projet de film qui me parle, et où je puisse faire un vrai boulot de recherche sonore et musicale.
Le comble étant que je supporte en général assez mal la musique dans les films, car c'est vraiment souvent sur-illustratif, et l'on tombe trop souvent sur l'écueil du type « corde sensible au piano / quatuor de cordes » ou bien sur des films aux séquences clipesques avec tel ou tel morceau pop ou électro. Et cela me fait sortir du film.
Je n'entends pas souvent une musique qui joue en dehors de ces ornières, et c'est dommage, car il y a plein de choses à faire.
DCALC : Tu es fidèle à l'écurie allemande Hymen Records depuis ton premier album Kolia sorti en 2006, quel regard Stefan Alt porte-t-il sur les disques des artistes du label avant sortie ? S'implique-t-il dans le processus créatif par le biais de remarques, de conseils ?
Nebulo : Je pense que cela doit varier avec les artistes et leur demande, mais me concernant je suis 100 % maître du processus créatif.
En général, quand j'ai quelque chose qui commence à se dessiner dont je suis content, mettons 4/5 morceaux et que j'entrevois la possibilité d'un nouvel album, je les fais écouter à Stefan pour avoir son avis. Et jusque là, il s'est toujours montré enthousiaste, et ensuite le plus souvent je lui fais écouter l'album 80/90 % fini, puis encore après l'album 100 % bouclé.
En tout cas la discussion est toujours super ouverte à tous niveaux. Si j'ai besoin d'un conseil il me le donnera.
A la base il s'occupait des pochettes mais sur les deux derniers, j'avais une idée très précise de ce que je voulais, je lui ai donc soumis une maquette et il a réalisé les livrets CD.
Pour le titre du dernier album, c'est lui qui m'a encouragé à choisir Cardiac. J'avais, avec quelques autres idées, ce titre en tête ou « Arcadic » qui est son anagramme. Mais je n'osais pas trop, du fait du sens trop fort. Et au final, j'en suis très content.
Je voulais que ce soit direct, et que ça parle du rythme, du battement.
DCALC : Ta veillée de fin du monde, tu comptes la passer comment ?
Nebulo : Sûrement au coin d'une cheminée avec une bouteille de vin et un chat.
Ou maintenant que j'y pense, peut-être en regardant des streamings vidéo des personnes rassemblées sur les points de sauvegarde type Bugarach, ça peut être drôle.
Nebulo : Sûrement au coin d'une cheminée avec une bouteille de vin et un chat.
Ou maintenant que j'y pense, peut-être en regardant des streamings vidéo des personnes rassemblées sur les points de sauvegarde type Bugarach, ça peut être drôle.
DCALC : Et si on en réchappe, quels sont tes plans pour 2013 ?
Nebulo : Plein d'autre musique est en préparation et des trucs sortiront très certainement en 2013 !
Unanimement célébré dans les milieux autorisés comme l'un des tout meilleurs albums IDM de l'année, Cardiac n'a pas encore livré tous ses secrets à ceux qui se sont contentés de la version digitale en écoute sur le Bandcamp d'Hymen Records. En effet, le vinyle limité à 100 copies et toujours disponible ici contient pas moins de trois inédits : le fantomatique Pss aux beats presque techno-indus dont on peut entendre un court extrait par là, l'intense et lapidaire Casiobones à découvrir plus haut mais aussi - et surtout ! - I'm Spartacus, petit chef-d’œuvre d'épure tout en pulsations deep et nappes insidieuses que le beatmaker à accepté de nous prêter en exclusivité pour cette interview. Enjoy !
Nebulo : Plein d'autre musique est en préparation et des trucs sortiront très certainement en 2013 !
Le cadeau de Nebulo
Unanimement célébré dans les milieux autorisés comme l'un des tout meilleurs albums IDM de l'année, Cardiac n'a pas encore livré tous ses secrets à ceux qui se sont contentés de la version digitale en écoute sur le Bandcamp d'Hymen Records. En effet, le vinyle limité à 100 copies et toujours disponible ici contient pas moins de trois inédits : le fantomatique Pss aux beats presque techno-indus dont on peut entendre un court extrait par là, l'intense et lapidaire Casiobones à découvrir plus haut mais aussi - et surtout ! - I'm Spartacus, petit chef-d’œuvre d'épure tout en pulsations deep et nappes insidieuses que le beatmaker à accepté de nous prêter en exclusivité pour cette interview. Enjoy !
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