vendredi 22 novembre 2013

Arve Henriksen - Places Of Worship

 

Date de sortie : 6 septembre 2013 | Label : Rune Grammofon


Sur le thème "MUSIC FROM THE NORTH COUNTRY - un seul mot d'ordre : Nordique !" du Grand Jeu Sans Frontières des Blogueurs Mangeurs de Disques.


Puisque le temps est à la neige et que nos confrères mangeurs de galettes cèdent à l'appel du grand nord, quoi de mieux que l'ambient-jazz d'Arve Henriksen et sa trompette radiante flirtant avec la grâce naturelle du grand Miles sur un océan de glace et de silence ? Car lorsque l'on associe Norvège, immersion et musiques singulières, il y a le black metal bien sûr, mais surtout ce trésor national (pas plus prophète en son pays qu'ailleurs malheureusement) que constitue Rune Grammofon, avec son jazz aventureux lorgnant sur l'électronique (Biosphere, Phonophani), le metal (Shining), le prog élégant (Motorpsycho), la noise (Moha!) voire récemment la pop (Jenny Hval) mais s'accordant toujours à la croisée de l'impro libertaire et du patient paysagisme d'atmosphère.

Astre pâle mais ardent de cette galaxie expérimentale, Supersilent continue de décliner régulièrement en sorties numéraires ses méditations impressionnistes et contrastées aux saillies névrotiques, 11 le dernier volume en date nous faisant tout de même patienter depuis plus de trois ans. Quant à Deathprod, le projet solo d'Helge Sten, son dark ambient aride et fantasmagorique semble être aux abonnés absents depuis pas loin d'une décennie. Qu'importe, il nous reste Arve Henriksen, fabuleux chez Jan Bang, saisissant dans le presque néant de spleen atone du grand David Sylvian et ici serein comme rarement entre deux regains de tension cinématographique (cf. Portal et les basses à la Danny Elfman du synthé d'Erik Honoré), centre d'attention de cet album solaire et aquatique, brumeux et clair, poignant et abstrait, tout ça dans ce même souffle chaleureux et quelque peu anxieux du cuivre que le gel vient figer en un fin halo de cristaux suspendus.

A l'arrière-plan de cette trompette qui monopolise l'espace de sa majestueuse gravité, les notes de clavier se déposent en poudreuse (Le Cimetière Marin), le piano se condense doucement dans l'air humide (The Sacristan), les cordes du Stahlquartett distillent leur malaise impalpable sur fond de remous aquatiques (Saraswati), les nappes de textures et de chœurs samplés de Jan Bang flottent au gré de la brise (Adhan) et du grand désert blanc naît soudain un mirage d'Orient, des esquisses d'Espagne (Alhambra et sa guitare aux cascades toutes latines), une chapelle hors du temps dont le diacre au timbre aussi perché qu'un Sigur Rós à la croix de bois n'est autre qu'Henriksen lui-même, troquant la trompette pour le chant liturgique le temps d'un Lament qui se muera plus loin en comptine angoissée sous les arches aux ombres inquiétantes d'une cathédrale abandonnée.

Qu'à cela ne tienne, puisque le bien-nommé Shelter From The Storm, cocon de lyrisme feutré qu'illumine cette fois la mélancolie vocale d'Honoré - au chant éclaboussé par la sagesse du sus-nommé Sylvian si souvent assisté sur album cette dernière décennie - sera de très loin le morceau le plus apaisé et lumineux qu'on vous aura conseillé d'écouter cette année. Un refuge printanier loin du tumulte de nos vies agitées qui finit de faire de ce Places Of Worship le lieu de recueillement privilégié de nos cœurs gercés aux désirs incertains.

23 commentaires:

  1. Oh merde, ça a beau venir du nord moi je suis à l'ouest quand j'écoute ça...
    EWG

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  2. Avec Arve Henriksen et Rune Grammofon, c'est tout un continent qui se dévoile... que je ne connais pas encore beaucoup. Il me semble avoir croisé Arve Henriksen avec Lars Danielsson. Magnifique! merci.

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    1. Il y a du très très grand chez Jazzland également, si l'on ne privilégiait pas l'actu par ici je serais allé fureter du côté de Sidsel Endresen, mon idole en ambient jazz mutant et névrosé - je me rends compte d'ailleurs que j'aurais pu la citer, Ha! et Didymoi Dreams ‎étant sortis sur Rune Grammofon...

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    2. J'avais aussi pensé à Sidsel pour ce thème, je suis dingue de Undertow.. Mais presque trop évident et il a été posté chez Jimmy il y a quelques mois

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    3. Oui encore un disque de chevet ! Ses albums avec Bugge Wesseltoft (patron de Jazzland) ou récemment Stian Westerhus (ex Jaga Jazzist qui joue aussi sur le dernier Jan Bang) valent également le détour !

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  3. De l'hypnotic music avec cette touche Maalouf Like qui envoûte. Pas mal. Fautdra que je creuse. Merci celui là me plaît bien.

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    1. Au vu de leurs carrières respectives ce serait plutôt Maalouf qui a une touche Henriksen-like alors... 20 ans tout de même pour le bonhomme. ;)

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  4. Comme c'est bien décrit, que j'ai un à-priori favorable, ça devrait me plaire...chez Rune Grammofon je ne connais que Biosphere...

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  5. Comme Esb.. Henrickson et Grammofon, complètement accroc

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  6. J'aime beaucoup, pile dans le thème.

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  7. Merci ! On a essayé de faire plus light aujourd'hui pour varier les plaisirs mais on a encore du bien plombé sous le coude pour la suite...

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  8. Ca fait envie ! Je vais écouter ça ce weekend aussi

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  9. Merdouille, pas de lien, ici, pourtant ça donne très envie.

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  10. Merci Rabbit de mettre un peu de Jazz dans ce grand Jeu. Etant de plus amateur de ce style, ça peut que me plaire.
    "Shelter from the Storm" qui clôture l'album est superbe, illuminé par la voix céleste de Sire David Sylvian.
    Merci pour cette touche jazzy.
    A +

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    1. J'ai failli m'y laisser prendre mais c'est Erik Honoré qui chante sur ce dernier morceau, effectivement quasi "mimétique" de Sylvian qu'il a beaucoup accompagné sur disque en tant qu'instrumentiste depuis quelques années (tout comme Henriksen, Fennesz, Jan Bang et quelques autres).

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  11. Merci à vous !

    @ Jimmy : pas très difficile à "trouver" en usant de google celui-là. ;).

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  12. Un artiste très intéressant que je viens de découvrir avec "Cartography" (moi qui suis géographe...)

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    1. J'avais découvert sa carrière solo par celui-là aussi, superbe disque !

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  13. Encore un bon choix, ça sonne excellemment bien. Mais euh...on parle du même David Sylvian ?

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    1. C'est clair qu'il y a le David Sylvian d'avant "Blemish" et celui d'après. Non qu'il ait attendu "Blemish" pour partir en exploration mais depuis, l'exigence a grimpé d'un cran.

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