mercredi 13 juin 2012

First Dog To Visit The Center Of The Earth - Corecore


Date de sortie : 15 mai 2012 | Label : Debacle Records

Suite aux remarques d'un éternel mécontent en manque de glauquitude et de putréfaction, on s'était auto-challengé via facebook d'évoquer dans notre prochaine chronique une guirlande de morts-vivants pendus à une boule à facettes. Heureusement il y a Debacle pour nous livrer clés en main le dancefloor pour zombies et l'électro déliquescente qui va avec. En cherchant bien, on aurait certainement pu trouver quelque chose d'amorphe et vorace en état de décomposition avancée du côté de Field Hymns ou I Had An Accident mais avouez que le premier chien à visiter le centre de la terre, ça a quelque chose d'alléchant. Surtout quand l'animal lui-même s'en pourlèche les babines, montrant les canines sur la cover crépusculaire d'un album n'ayant guère d'ouvert que la mâchoire béante du bestiau en question.

Car les instrumentaux de Corecore, référence à peine ironique aux fameux sous-genres de musique extrême qui pullulent à core et à cris et n'ont bien souvent plus de hardcore que le suffixe, sont pour le moins du genre abscons. D'emblée, à entendre les pulsations et autres pianotages polyrythmiques d'un Igneous aux entrelacs minimalistes et décadents, on se dit que Californien Jack Rodriguez - dont on pouvait déjà découvrir via Bandcamp une flopée d'albums aux covers aviaires joyeusement repeintes à l'acide - a retenu les leçons d'Add N To (X) ou Mouse On Mars aussi sûrement que celles de Black Dice, autant dire que ça n'est pas parce qu'on parle de dancefloor qu'il faudra s'attendre à pouvoir remuer librement sur ses deux pieds. Du dadaïsme synthétique des groupes sus-mentionnés aux fiestas vaudou du méga-fossile Amin Dada dans son sépulcre saoudien, il n'y aurait apparemment qu'un saut dimensionnel mineur qui s'assimile pour First Dog To Visit The Center Of The Earth à la préhistoire de l'art.

D'ailleurs, on imagine que son hardware aussi a de la bouteille, des synthés offerts aux Mayas par leurs copains grisâtres aux yeux vitreux et aux vaisseaux pyramidaux pour rythmer leurs sacrifices humains et mettre un peu de cœur à l'ouvrage avant ablation de l'organe du même nom (Earthlectro), ou plus tard aux alligators en toge du KKK pour mettre le feu aux berges du Mississippi dans la haine raciale et la bonne humeur. Précisons qu'au Crétacé déjà, en période de disette, les grands théropodes évacuaient leurs instincts carnassiers en tapotant sur des machines en bois cisaillées sur-mesure à coups de maxillaires, de quoi expliquer l'étrange atrophie des membres antérieurs des ancêtres de nos traders aux dents longues et leur extinction prématurée avec l'arrivée du proto-mp3 sur plaque de silicone en l'an 65 000 000 avant Cubase.

Mais trêve de digressions éducatives, après cette parenthèse historique qui nous permet d'y voir plus clair sur l'obscurantisme synthétique à travers les âges, concentrons-nous un moment sur les bizarreries de l'album. Croyez-le ou non, d'un premier degré d'invraisemblance indissociable du label de Seattle dont nous décortiquions le mois dernier les fantasmagories anxiogènes et droguées de Vertonen & At Jennie Richie, découle en effet un second niveau de folie propre à l'univers du beatmaker de Temecula (la ville, pas la boisson vitaminée pour Dracula sous temesta qui doit certainement exister, quelque part), aboutissant lui-même à un troisième échelon de totale déraison sur des titres tels que Final Future, qui ressemble vaguement à ce qu'un programmeur de chez Nintendo à l'époque de la NES aurait pu qualifier de future bass après un travail réalisé sous l'emprise du saké tiède, The Long Job avec son groove bancal, ses carillons bouddhiques et autres mélodies acides vrillées d'interférences sursaturées, ou encore Timezone, unique plage ambient aux allures de rencontre du troisième type dont les grouillements statiques semblent irradier d'un faisceau d'ondes ionisantes pointé depuis l'espace sur nos chères têtes blondes estampillées "produits frais".

Autant d'influences qui finiront après quelques réticences, au terme du diptyque Sleep Parade habité d'une ferveur minimaliste digne d'un Dan Deacon en plein bad trip, par se télescoper sur la piste incandescente d'Also I Feel Like pour sept minutes et demie de transe gueule de bois à danser sur la tête. Un dernier sursaut de grégarisme primaire pour conjurer le désespoir, ce Corecore en définitive plus névrotique que ténébreux ne pouvait se conclure autrement. Le futur est laid, le non-sens règne en maître, les alternatives n'ont ni queue ni tête et les derniers punk arborent un faciès de clown triste : la fête, qu'on se le dise, sera décrépie ou ne sera pas.

Rabbit

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