samedi 23 juin 2012

Marielle V Jakobsons - Glass Canyon


Date de sortie : 12 juin 2012 | Label : Students Of Decay

Entendue cette année sur l'éponyme de Portraits, supergroupe drone emmené par le grand Jefre Cantu-Ledesma, Marielle V Jakobsons n'en est pas à ses premières armes en termes de collaborations. Moitié des duos électro-acoustiques Date Palms (en compagnie d'un certain Gregg Kowalsky aka Osso Bucco) et Myrmyr (avec Agnes Szelag de Dokuro), la Californienne qui enregistre par ailleurs en solo pour le label Digitalis - émanation du webzine Foxy Digitalis que les amateurs de musiques expérimentales que vous êtes apprécient sûrement - livrait ainsi en février dernier le bien-nommé Improvisations For Strings And Electronics avec sa complice de Myrmyr et la Suédoise Helena Espvall au violoncelle, dans un registre résolument dramatique et torturé qui fait la part belle aux gémissements des crins.

Néanmoins, si ces diverses formations et associations la voient essentiellement officier au violon, son instrument de prédilection dont elle tire stridences épileptiques et rêveries capiteuses avec une égale maîtrise, l'expérimentation électronique s'avère être un terrain tout aussi propice aux créations de la native d'Oakland, adepte d'une narration abstraite à la fois hypnotique et mouvante sous le pseudonyme de Darwinsbitch et désormais, comme ici, sous son véritable patronyme.

Balayé par des vents cosmiques charriant des ondées d'infrasons cristallins, Purple Sands, premier titre de ce Glass Canyon édité par le sous-label Students Of Decay de l'éminent distributeur Experimedia, déploie avec la patience de ses pulsations sourdes une plage de basses saturés et de bourdonnements subsoniques sur laquelle viennent s'échouer des vagues de larsens et de cordes frottées, avant de les livrer en offrande au néant sous le patronage d'un clavier empreint de gravité. D'entrée, le mélange de minimalisme instrumental et de complexité tonale qu'affectionne l'Américaine atteint des sommets de grâce crépusculaire et témoigne d'une ambition nouvelle, celle de remodeler l'Univers à sa convenance.

Marielle V Jakobsons n'est plus la catin de Darwin, encore moins celle de Copernic, et des loops de violon sur lit d'oscillations pulsées du lyrique Crystal Orchard aux déferlantes statiques du ténébreux Shale Hollows en passant par les synthés rampants de l'inquiétant Cobalt Waters ou la nébuleuse stellaire du magnétique Albite Breath levant le voile à lui tout seul sur l'imposture d'un Oneohtrix Point Never, il s'agit ni plus ni moins que de réinventer la cosmogonie : au gré du mouvement des planètes et de l'extinction de astres, à la lueur des naines blanches et des supernovae, comme pour tenter de sauver ce qui peut encore l'être dans un dernier élan de miséricorde démiurgique pour une Création chaque jour un peu plus décevante.

Avec une lenteur consommée, l'album déroule son écheveau de motifs répétés, naissant des poussières immémoriales de la grande expansion séminale avant de s'évaporer dans quelque trou noir pour mieux refaire surface dans une dimension parallèle, à la frontière de notre perception. D'épiphanies obscures en méditations fatalistes, ce canyon de verre se révèle aussi imposant et fragile à la fois que l'équilibre de notre univers. Un système qui vit, respire, espère et craint la mort à l'image de Dusty Trails dont le cœur bat au rythme des arpèges fervents d'un piano préparé et des frottements martiaux d'un violon résigné, bientôt soutenus par un beat sourd et métronomique pour accompagner synthés et vibrations spatialisées jusqu'à leur inévitable anéantissement. Rarement Big Crunsh musical aura été aussi envoûtant.

Rabbit



Trois titres de l'album en écoute :


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