Date de sortie : 15 février 2012 | Label : Miasmah
Les amateurs d'électro connaissent peut-être Alexey Devyanin pour ses travaux glitch stellaires sous le pseudonyme de Pixelord, du côté notamment de l'écurie Error Broadcast (exemple ici avec Fish Touch, aux confins du dubstep, de l'électro 8-bit et du hip-hop instrumental). Révélé en 2010 comme un certain nombre de beatmakers de cette nouvelle scène russe par la compilation Fly Russia du netlabel italo-allemand, il officiait pourtant déjà depuis plusieurs années sous le nom de Gultskra Artikler, projet qui n'a, disons-le d'emblée, strictement rien à voir avec celui dont on vient de parler.
Le fait de préciser que ça se passe cette fois du côté de Miasmah, qui avait déjà édité en vinyle 3" limité le mini-album Abtu en 2007, mettra sans doute d'emblée la puce à l'oreille des adeptes du sombre que vous êtes : ici on est plus près de l'escapade dans la lande par une nuit de pleine lune à s'écorcher sur chaque buisson en fuyant l'ombre d'une menace fantasmagorique que du trip intersidéral en navette hi-tech. Complété par l'EP Anet, compagnon naturel qui était à l'époque resté dans les tiroirs du label norvégien, le disque devient un véritable récit expressionniste sans images ni paroles, évocateur comme souvent chez Miasmah de contrées obscurantistes et de visions ésotériques. Les titres des morceaux sont d'ailleurs là pour stimuler notre imagination, suggérant les grandes lignes d'une fable occulte à l'image du second dont la traduction vous est proposée en bas de chronique, ou convoquant démons, monstres marins, arbres noueux et autres bateaux naufragés en une farandole dépareillée qui n'a d'égale que la diversité des moyens employés pour les animer.
Field recordings et sons concrets viennent en effet nourrir sur Abtu/Anet des instrumentaux d'inspiration diverse et néanmoins cohérente : folklore médiéval des pays baltes, ambient jazzy ou post-classique, drones fantomatiques, interférences électroniques, samples triturés de vieux scores d'épouvante ou de vinyles d'avant-guerre se télescopent dans un maelström étrange et dépouillé aux allures de petit théâtre des horreurs, que le musicien originaire de Novosibirsk qualifie pour faire vite de "neo-folk cyber-psychedelia". Résolument inquiétants, hantés par des carillons à la merci d'un vent mauvais et autres idiophones d'un autre temps quand il ne s'agit pas des imprécations étouffées de quelque goule perdue dans la taïga sibérienne, les titres les plus atonals de Gultskra Artikler ne vont pas sans rappeler l'imagerie baroque et un brin flippante du Belge Kreng, et feraient office à n'en pas douter de bande-son idéale pour un film de sorcellerie scandinave des années 20.
Parfois, néanmoins, une guitare acoustique impose ses bribes de mélodies arides, réinventant la country au temps des sorcières de Salem ou entamant un jam mélancolique et déroutant suspendu entre deux époques avec un piano préparé, une boîte à musique déréglée et une batterie en roue libre sur fond de grouillements surnaturels ou d'invocations sataniques. Une manière sans doute pour Alexey Devyanin d'inscrire son ambition de conteur dans une tradition musicale - si ce n'est orale - vieille de plusieurs siècles, pour mieux la plier à la singularité de son approche de "metteur en son". Une esthétique que le patron Erik K. Skodvin (aka Svarte Greiner) vient souligner avec un sens aigu du collage baroque sur l'artwork chimérique d'un album certes en libre écoute ci-dessous, mais dont on ne saurait trop conseiller la version physique aux accros des vinyles limités. Gageons d'ailleurs qu'après 50 ans passés au grenier dans la poussière et l'obscurité, l'expérience n'en sera que plus saisissante...
Traduction du second titre : « Au milieu du XVIe siècle dans le sud de l'Angleterre, un groupe de pêcheurs d'Orford pris une étrange créature. Sa forme leur rappela celle d'un homme - complètement chauve, mais avec une longue barbe dense. Ils la mirent dans le château du Gouverneur dans le donjon le plus sale et suffocant, et ils la nourrirent avec un poisson cru, qu'il pétrit dans ses mains avant de le manger. Les femmes ont alors commencé à faire d'étranges rêves, comme si le nouveau venu entrait dans leurs chambres la nuit et les regardait dans le clair de lune avec ses orbites vides, emplies d'un rire froid et démoniaque. Le lendemain matin, elles trouvèrent leurs lits humides, ensevelis dans l'eau de mer et les algues, et après un certain temps il apparut que toutes les femmes dans le château était devenues enceintes. Dans les affres de l'agonie, elles donnèrent naissance à d'affreux bébés squameux. En une journée la créature s'échappa, retourna à la mer, et personne ne vit plus les bébés. Mais parfois, quand les océans se font rageurs, son souffle rauque et rancunier est à nouveau audible dans le donjon, et les femmes refont ces mêmes rêves. »
Le fait de préciser que ça se passe cette fois du côté de Miasmah, qui avait déjà édité en vinyle 3" limité le mini-album Abtu en 2007, mettra sans doute d'emblée la puce à l'oreille des adeptes du sombre que vous êtes : ici on est plus près de l'escapade dans la lande par une nuit de pleine lune à s'écorcher sur chaque buisson en fuyant l'ombre d'une menace fantasmagorique que du trip intersidéral en navette hi-tech. Complété par l'EP Anet, compagnon naturel qui était à l'époque resté dans les tiroirs du label norvégien, le disque devient un véritable récit expressionniste sans images ni paroles, évocateur comme souvent chez Miasmah de contrées obscurantistes et de visions ésotériques. Les titres des morceaux sont d'ailleurs là pour stimuler notre imagination, suggérant les grandes lignes d'une fable occulte à l'image du second dont la traduction vous est proposée en bas de chronique, ou convoquant démons, monstres marins, arbres noueux et autres bateaux naufragés en une farandole dépareillée qui n'a d'égale que la diversité des moyens employés pour les animer.
Field recordings et sons concrets viennent en effet nourrir sur Abtu/Anet des instrumentaux d'inspiration diverse et néanmoins cohérente : folklore médiéval des pays baltes, ambient jazzy ou post-classique, drones fantomatiques, interférences électroniques, samples triturés de vieux scores d'épouvante ou de vinyles d'avant-guerre se télescopent dans un maelström étrange et dépouillé aux allures de petit théâtre des horreurs, que le musicien originaire de Novosibirsk qualifie pour faire vite de "neo-folk cyber-psychedelia". Résolument inquiétants, hantés par des carillons à la merci d'un vent mauvais et autres idiophones d'un autre temps quand il ne s'agit pas des imprécations étouffées de quelque goule perdue dans la taïga sibérienne, les titres les plus atonals de Gultskra Artikler ne vont pas sans rappeler l'imagerie baroque et un brin flippante du Belge Kreng, et feraient office à n'en pas douter de bande-son idéale pour un film de sorcellerie scandinave des années 20.
Parfois, néanmoins, une guitare acoustique impose ses bribes de mélodies arides, réinventant la country au temps des sorcières de Salem ou entamant un jam mélancolique et déroutant suspendu entre deux époques avec un piano préparé, une boîte à musique déréglée et une batterie en roue libre sur fond de grouillements surnaturels ou d'invocations sataniques. Une manière sans doute pour Alexey Devyanin d'inscrire son ambition de conteur dans une tradition musicale - si ce n'est orale - vieille de plusieurs siècles, pour mieux la plier à la singularité de son approche de "metteur en son". Une esthétique que le patron Erik K. Skodvin (aka Svarte Greiner) vient souligner avec un sens aigu du collage baroque sur l'artwork chimérique d'un album certes en libre écoute ci-dessous, mais dont on ne saurait trop conseiller la version physique aux accros des vinyles limités. Gageons d'ailleurs qu'après 50 ans passés au grenier dans la poussière et l'obscurité, l'expérience n'en sera que plus saisissante...
Rabbit
Traduction du second titre : « Au milieu du XVIe siècle dans le sud de l'Angleterre, un groupe de pêcheurs d'Orford pris une étrange créature. Sa forme leur rappela celle d'un homme - complètement chauve, mais avec une longue barbe dense. Ils la mirent dans le château du Gouverneur dans le donjon le plus sale et suffocant, et ils la nourrirent avec un poisson cru, qu'il pétrit dans ses mains avant de le manger. Les femmes ont alors commencé à faire d'étranges rêves, comme si le nouveau venu entrait dans leurs chambres la nuit et les regardait dans le clair de lune avec ses orbites vides, emplies d'un rire froid et démoniaque. Le lendemain matin, elles trouvèrent leurs lits humides, ensevelis dans l'eau de mer et les algues, et après un certain temps il apparut que toutes les femmes dans le château était devenues enceintes. Dans les affres de l'agonie, elles donnèrent naissance à d'affreux bébés squameux. En une journée la créature s'échappa, retourna à la mer, et personne ne vit plus les bébés. Mais parfois, quand les océans se font rageurs, son souffle rauque et rancunier est à nouveau audible dans le donjon, et les femmes refont ces mêmes rêves. »
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire