vendredi 24 février 2012

Pendulum Nisum - s/t



Date de sortie : 31 janvier 2012 | Label : Hinterzimmer

Pendulum Nisum, voilà un nom plutôt connoté ! À l’entendre et à le prononcer, on s’attend d'emblée à un disque de black metal ou quelque chose d’approchant en tout cas. Et on n’a pas tout à fait tort. Et en même temps, on se trompe complètement. C’est que tout là-dedans est complètement froid, hermétique, excessivement noir. Et sale aussi. Enfin, peut-être pas tout mais il arrive que les notes s’épaississent et que la distorsion déborde des enceintes pour s’échouer à nos pieds. On a même parfois l’impression d’un flot continu de bruits habités qui viennent inonder la pièce dans laquelle on se trouve, jusqu’à la remplir complètement, avec nous dedans. Dire que la petite musique que ce disque nous donne à entendre est du genre immersive est un doux euphémisme, elle est même bien plus que ça : écouter Pendulum Nisum, c’est en faire partie. La musique nous habite et on l’habite à notre tour, dans un va-et-vient continu et singulier. 

Une véritable expérience que l’on doit en grande partie à la multitude de bruits naturels qui parsèment ces huit morceaux : un orage qui gronde, la scansion de l’eau de pluie, son clapotis quand elle s'accumule et rejoint ses lignes de fuite, les râles lointains d’une ville. Bruits parfaitement intégrés à la musique qui les entoure, parfois point de départ d’un morceau, parfois achoppement qui rehausse un mouvement. Et puis il y aussi toute la partie instrumentale. Elle est ahurissante. Cor, synthétiseur, guitare, violoncelle, verres tintinnabulants, piano, orgue, voix déformées, bribes électroacoustiques, carillons majestueux, effets électroniques divers et cordes variées, field recordings hantés et menaçants partout, le tout empilé en strates dont il suffit, comme un géologue, de détailler l’agencement pour revenir à la couche originelle, celle sur laquelle toutes les autres s’agglomèrent. Et cette première épaisseur, surprise, n’est pas la terreur pure même si l’on a de prime abord l’impression d’écouter la bande-son d’un cauchemar particulièrement intense, du genre qui réveille en pleine nuit et éloigne de l’apaisement pour un bout de temps. 

Non, bizarrement, le terreau de tous ces morceaux est avant tout une profonde mélancolie. L’élégant piano qui rythme Infernal Council le montre bien, et il a beau disparaître sous les effets électroniques glaçants, les nappes déformées particulièrement inquiétantes et ces chœurs étranges qui le sont tout autant, les notes qu’il égrène avec lenteur empêchent la noirceur de s’installer complètement. Même chose du côté d'In A Slow Spiral Up dont l’entame est plutôt solaire. Le message est inquiétant mais n'a pas pour but de mettre mal à l'aise et les quelques aérations qui percent l'armure anthracite des morceaux permettent de reprendre de temps à autre son souffle. Majoritairement hermétique mais pas complètement. Bref, dans son propos, la musique de Pendulum Nisum porte quelques oripeaux typiques du black mais dans son exécution, il s’agit plutôt d’ambient sombre aux accents drone prononcés. Elle trace un segment reliant Xasthur et Christian Fennesz, ou quelque chose dans ce goût-là.

Mais peut-être est-il temps de faire les présentations. Contrairement à ce que l’on pourrait penser à l’écoute d’un titre comme Second Deluge par exemple, où l’accumulation de détails et la profondeur instrumentale sont telles que l'on pense être en présence d'un grand orchestre franchement flippé dont tous les musiciens seraient schizophrènes, ils ne sont en fait que deux pour bâtir de telles ambiances. Les fields recordings et une bonne partie des effets électroniques ainsi que la corne de brume sont essentiellement dus à Mike Reber, membre d’Herpes Ö DeLuxe, formation portée sur le sombre et l'amplifié dont le dernier album en date, Ember, était sorti en 2010 sur Hinterzimmer, le label de Reto Mäder, moitié des fondamentaux Ural Umbo et donc aussi de Pendulum Nisum. Et c’est vrai qu’à l’écoute de ce premier éponyme, on pouvait se douter que le prolifique Suisse se cachait derrière ces atmosphères travaillées et ce mélange parfaitement singulier qui fait sonner le duo comme un groupe de black metal électro-acoustique. 

Dès lors, on ne peut que conseiller aux amateurs d’Ural Umbo (et par extension du catalogue du label bernois voire de celui d'Utech) de se jeter sur ce disque, la musique de Pendulum Nisum offrant quelques points communs. On y retrouve la même majesté, la même beauté fatale sans qu’il s’agisse d’un clone pour autant, Mike Reber et Reto Mäder préférant concentrer toute leur créativité sur les détails et les textures, travaillant les atmosphères avec un soin quasi-maladif. De même que l'on conseillera son écoute à toutes celles et ceux qui apprécient qu'un disque propose une enclave sonore et remodèle l'architecture autour de soi, le résultat étant ici, à maintes reprises, simplement époustouflant. Expérimenté, le duo nous gratifie de huit morceaux dont on a bien du mal à se défaire une fois qu’on est dedans. 

Saisissant. 

leoluce

2 commentaires:

  1. Je me suis finalement décidé à suivre ton conseil et à commander ce disque, arrivé ce matin. J'entame la première écoute et pour le moment, c'est tout simplement magnifique... Merci !

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